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Nuhé de Barba Titon (Noël d’oncle Baptiste) ou Darrier dai Rei (Dernier des Rois) Paroles niçoises Pierre Isnard. Traditionnel comté de Nice.. Sur l’air Trois jeunes tambours.
1er couplet |
Barba Titon Subre de la siu banca Un sera au füec, dappè dau fügairon, Repipiunava en la siu barba blanca : « Coma fa frei, Achest’an, per lü Rei ! » | | Oncle Baptiste Sur son banc Un soir au [coin du] feu, près de l’âtre, Ressassait dans sa barbe blanche : « Comme il fait froid, Cette année, pour les Rois ! » |
2e couplet |
Ch’ora üna vox, Passan tra li belüga Che fuolamen s’ausson dau brasiu rus, Respuonde : « Amic, lu frei mai non pessüga Embe rigor Lü cuor caute d’amor. | | Quand une voix, Passant par-dessus [le bruit] des étincelles Qui follement s’élèvent du brasier rouge, Répond : « Ami, le froid ne pince jamais Avec rigueur Les cœurs chauds d’amour. |
3e couplet |
« Pròpri sta nüec’, Damon sü la cullina, Cü anera, quand picca mieggia-nüec’, Emb’ün lansou bagnate sü l’eschina, La canna en man, Veirà lü tres sovran ! » | | « Précisément cette nuit, Là-haut sur la colline, Qui ira, quand sonnera minuit, Avec un drap mouillé sur le dos, La canne à la main, Verra les trois souverains (1) ! » |
4e couplet |
Si sente gia Com’ün’ aria de festa. S’aude ün rümor che n’en ven presagiar, Maugra la neu, lu vent e la tempesta, Ch’ün gròs event Si passa en Orient. | | On sent déjà Comme un air de fête. On entend une rumeur qui s’en vient présager, Malgré la neige, le vent et la tempête, Qu’un grand événement Se passe en Orient. |
5e couplet |
En lu seren A l’orizon s’ascende Darrier dai mont üna ’stella d’argen, Per lümeggiar lu trahin che s’arrende D’ün pas alert A traves dau desert. | | Dans le serein À l’horizon monte Derrière les monts une étoile d’argent, Pour éclairer le train qui progresse D’un pas alerte À travers le désert. |
6e couplet |
Lu russignou Ch’achela lüx dürvelha, Com’au printem sübla tut en ün cou La siu canson ch’enchantera l’aurelha Dai pellegrin Au curs dau siu camin. | | Le rossignol Que cette lumière réveille, Comme au printemps siffle tout d’un coup Sa chanson qui enchantera l’oreille Des pèlerins Au cours de leur chemin. |
7e couplet |
Arriba avau Un vielh murre de tòla Giaune e passit, com’ün emburigau, Espaventable a faire levar sòla. Viàgia a pen M’ün pignaton d’insen. | | Arrive en bas Un vieux rabat-joie Jaune et terne, comme une morille, Épouvantable à faire lever la semelle (2). Il voyage à pied Avec une petite marmite (3) d’encens. |
8e couplet |
Lu mage blanc Che cad’ün pron ammira, Corona en testa e spada nüda au flanc, Es agiucat, emb’ün saccon de mira, L’aria arrogant, Subre d’ün alefant. | | Le mage blanc Que chacun admire beaucoup, Couronne sur la tête et épée nue au flanc, Est juché, avec un sachet de myrrhe, L’air arrogant, Sur un éléphant. |
9e couplet |
Emb’ün anneu Au nas che li penduola, Lu mòru rei es pròpi lu pü beu ; Cargate d’òr, lu siu gameu brancuola A cada pas De tant es maigre e las ! | | Avec un anneau Au nez qui lui pend, Le roi maure est certainement le plus beau ; Chargé d’or, son chameau titube (4) À chaque pas Tellement il est maigre et fatigué ! |
10e couplet |
Dau genre üman Rappresentan li rassa, Estü tres rei, en Galiléa van Per rendre à Diu che sü la Terra passa L’adorassion, Au nom de li nassion. | | Du genre humain Représentant les races, Ces trois rois vont en Galilée Pour rendre [compte] à Dieu que, sur la Terre, passe L’adoration, Au nom des nations. |
11e couplet |
Venon d’en là, Dau pahis de l’aurora, D’unt han tui vist üna stella brilhar. Fac’ inaudit, achestu meteora Per lü menar Si mette a caminar. | | Ils viennent de là, Du pays de l’aurore, D’où ils ont tous vu une étoile briller. Fait inouï, cette météore, Pour les conduire, Se met à cheminer. |
12e couplet |
L’astre d’argen A Betelem si fissa Sü d’ün ciabòt, d’unt es nà pauramen En ün marrit presepi che s’abissa Lu Sauhator Promès dau Creator. | | L’astre d’argent À Bethléem se fixe Au-dessus d’un taudis (5), où est né pauvrement Dans une mauvaise crèche qui s’abîme Le Sauveur Promis par le Créateur. |
13e couplet |
Entra Giausè E la Vierge Maria, Embe lu bou e l’ae de dappè, Subre lu gias, meschin, sensa camija, Attroveran Pròpi de Diu l’Enfan. | | Entre Joseph Et la Vierge Marie, Avec le bœuf et l’âne à côté, Sur la litière, malheureux, sans chemise, Vous trouverez Vraiment de Dieu l’Enfant. |
14e couplet |
En arriban, Emb’üna fet ardenta Per l’adorar, ün per ün s’inchinan, Au beu Bambin, cada prinse presenta Lu siu tresor : L’insen, la mirra e l’òr. | | En arrivant, Avec une foi ardente Pour l’adorer, un par un s’inclinant, Au beau Bambin, chaque prince présente Son trésor : L’encens, la myrrhe et l’or (6). |
15e couplet |
La maestà, L’òr, muostra au divin Ninu, L’insen ch’es Diu degne dai nuostre autà, Ma de la muort la mirra canta l’innu E Li dirà Che murtal Eu sarà. | | La majesté, L’or, montre au divin Petit, L’encens qui est Dieu digne à nos autels, Mais de la mort la myrrhe chante l’hymne Et Lui dira Quel mortel Il sera (7). |
16e couplet |
L’òr de l’amor, L’insen de la preghiera Embe la vida uffren au Sauhator. De la splendenta stella matiniera, La sclarsità Au ciel nen mènera. | | L’or pour l’amour, L’encens pour la prière Avec la vie offerte au Sauveur. De la splendide étoile matinale, La clarté Au ciel nous mènera. |
17e couplet |
« Vau, di Titon En achesti paraula, Darrier dai rei curri a rabaton ! » E si dresset per aussar la gandaula Dau gròs purtau D’unt pendon lüme e clau. | | « Va, dit Baptiste Dans ces paroles, Le dernier des rois court précipitamment ! » Et se relève pour hausser le loquet Du gros portail Où pendent la lumière et la clé. |
18e couplet |
Fuora, lu vent Tra li brunda süblava A vos donar lu trantalh d’espavent, E dau siu trau la necciula bramava, Au sun de l’uort, La canson de la muort. | | Dehors, le vent Au travers des branchages sifflait À vous donner le frisson de l’épouvante, Et de son trou la chevêche criait (8), Au son du jardin, La chanson de la mort. |
19e couplet |
Lendematin, Coma lu giur s’aussava, Lu türignon m’au siu cant argentin A l’ünivers, gajamen annunsava Che da Gesü Lü rei eron vengü. | | Le lendemain matin, Comme le jour se levait, Le carillon, avec son chant argentin, À l’univers, gaiement annonçait Qu’à Jésus Les rois étaient venus. |
20e couplet |
En ün canton Lu relòri runflava E miegg’ estenc’ era lu farasson Dau vielh calen che sens’óli fümava Sü lu taulier De buosche d’anughier. | | Dans un coin L’horloge ronflait Et à demi éteints, les bouts de mèche Du vieux calen sans huile fumaient Sur la table En bois de noyer. |
21e couplet |
Au fügairon La çendre era gelada. Sü la siu banca era Barba Titon Rede dau frei, la testa devessada, L’üelh amursit, Per sempre era ’ndürmit. | | Dans l’âtre La cendre était froide. Sur son banc était l’oncle Baptiste Raide de froid, la tête renversée, L’œil éteint, Pour toujours il était endormi. |
22e couplet |
En lu fratem Lu campanin sunava Un mestre clar, che ben lügübramen, En retrònàn au türignon, lagnava, Dau vielh Titon, La muort au fügairon. | | Entre-temps Les cloches sonnaient Un maître glas, qui bien lugubrement, En grondant le carillon, plaignait, Du vieux Baptiste, La mort à l’âtre. |
23e couplet |
D’acheu meschin L’ànima blanca e püra, Darrier dai rei agantan lu camin, Au paradis si retrovava ahüra Adoran Diu E Gesü lu siu Fiu. | | De ce malheureux L’âme blanche et pure, Dernier des rois attrapant le chemin, Au paradis se trouve maintenant Adorant Dieu Et Jésus son Fils. |
24e couplet |
Despi, cad’an, Ch’ora la tramontana Buffa la nüec’ a fa ’glajar lü can, S’escutas ben, a traves la ciavana, Audes Titon Che parla au fügairon. | | Depuis, chaque année, Quand la tramontane Souffle la nuit à faire hurler les chiens, Écoutez bien, au travers de l’orage, Entendez Baptiste Qui parle à l’âtre. |
25e couplet |
Se pi de cou Vos ven la fantasìa D’anar cubert emb’ün imu lansou La canna en man, sü lu baus d’unt s’eschilha, Veires lu vielh Passar embe lü Rei ! | | Si, des fois, Vous vient la fantaisie D’aller, couvert avec un immonde drap, La canne à la main, sur les rochers où on s’éreinte, Vous verrez le vieux Passer avec les Rois ! |
1. Les trois rois mages : Balthazar, Gaspard et Melchior. 2. C’est-à-dire « épouvantable à faire peur, à provoquer la fuite ». 3. Pignata : marmite en terre cuite. Le diminutif pignaton ou pignatoun désigne une petite marmite. 4. Brancoulà ou brancuolà : chanceler, tituber, vaciller. 5. Ciabòt ou cabot : cave, caveau, lien souterrain, taudis, terrier. 6. Voir également lu Rèi. 7. Ce couplet se comprend mieux en changeant sa syntaxe : L’or montre la majesté au divin Petit, l’encens (qui représente Dieu) est digne de nos autels, la myrrhe chante l’hymne de la mort etc. 8. La chouette ajoutait son cri aux bruits du jardin.
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