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La Saumeta endemoniada (L’Ânesse endiablée) Paroles niçoises Eugène Emanuel. Traditionnel comté de Nice.
1er couplet |
Che mi trota en la cervela, Cu troubla lo mieu repau ? Es la musa che barsela, Che mi fa lu sen diau ; Côu montà su la saumeta E courre coma pouden, Attesà ’na cansoneta Tout en fen semblan de rèn. | | Qu’est-ce qui me trotte dans la cervelle, Qui trouble mon repos ? C’est la muse qui cogne, Qui me fait les cent diables ; Il faut monter sur l’ânesse Et courir comme on peut, Gonfler (1) une chansonnette Tout en faisant semblant de rien. |
2e couplet |
Una fes si lapidava L’espousa che v’ha trompat ; Su lo nas li si gitava La rementa dou vallat. Son d’usage, non l’ignori, Ch’eroun buoi per d’autre ten. Se n’en burson su l’avori, Nautre fen semblan de ren. | | Autrefois, on lapidait L’épouse qui vous a trompé ; Sur le nez on lui jetait L’ordure du fossé. Ce sont des usages, je ne l’ignore pas, Qui étaient bon pour d’autres temps. S’ils s’en cossent (2) sur l’ivoire, Nous autres faisons semblant de rien. |
3e couplet |
Au contrari emb’impudensa L’adulteri ri d’achô. Parlas onour o dessensa ? Sies un rustre, un rocaco ; La dameta emb’au sieu page Promena publicamen. Se si trova au sieu passage, L’ome fa semblan de ren. | | Au contraire, avec impudence, L’adultère se rit de cela. Vous parlez d’honneur ou de décence ? Vous êtes un rustre, un rococo (3) ; La petite dame avec son page (4) Se promène publiquement. S’il se trouve sur son passage, L’homme fait semblant de rien. |
4e couplet |
La giustizia se non manda Li balansa à stansia Tout en fen la contrabanda Se punisse cu la fà, Se laissa passa ’n carossa Lei voulur cour’ han d’argen, Si courra grattà la cùossa E faire semblan de ren. | | La justice, si elle n’envoie pas Les balances pendant l’instance (5), Tous en font la contrebande Si elle punit celui qui la fait, Si elle laisse passer en carrosse Les voleurs quand ils ont de l’argent, Il faudra se gratter la tête (6) Et faire semblant de rien. |
5e couplet |
Se l’intriga, se la frauda Han lo regard trionfant, Se ves de viei tibauda Voulé faire lu galant ; Se sabes che ben de fia Au premié ch’au en lu pen S’embranconon li faudia Vous côu fa semblan de ren. | | Si l’intrigue, si la fraude Ont le regard triomphant, Si vous voyez de vieilles badernes (7) Vouloir faire les galants ; Si vous savez que bien des filles Au premier coup dans les pieds Trébuchent [dans] leurs jupes, Il vous faut faire semblant de rien. |
6e couplet |
Una fes doussa e timida L’espouseta dou gran pas Doui semana era stourdida E sourtia emb’ai uei bas, L’endeman dôu mariage. Anquei passa en sourien, Ha perdut arma e bagage E vous fa semblan de ren. | | Autrefois douce et timide La petite épouse, de la grande paix Deux semaines fut étourdie Et sortait avec les yeux baissés Le lendemain du mariage. Aujourd’hui elle passe en souriant, Elle a perdu armes et bagages Et vous fait semblant de rien. |
7e couplet |
Desperada de bestieta, Don diable m’as menat ? M’as fa sourti li luneta, As sautà en lo semenat... Se non vuos cessà pecaire De troubla li pauri gen, Mi foutrai en camba-’n-aire E farai semblan de ren. | | Désespoir de bestiole, Où diable m’as-tu mené ? Tu m’as fait sortir les lunettes, Tu as sauté dans le semis (8)... Si tu ne veux pas cesser, peuchère, De troubler les pauvres gens, Je me foutrai en « jambe-en-l’air » Et je ferai semblant de rien. |
1. Attesà : au sens propre signifie tendre une corde, une ficelle ; serrer ; tirer. Au sens figuré : gonfler, enfler, se flatter, se donner un air d’importance. Et aussi, dresser un procès-verbal, condamner rigoureusement. 2. Cosser (de l’italien cozzare) : se heurter mutuellement la tête, en parlant des béliers. 3. Rocaco : rococo, c’est-à-dire démodé, ridiculement compliqué, tarabiscoté. 4. Page : jeune gentilhomme placé au service d’un roi, d’un prince ou d’un seigneur, et dont il porte la livrée. Ici, il s’agit de l’amant de la femme adultère. 5. Mandà li balansa à stansia : envoyer, jeter (aux orties) les balances pendant l’audience, c’est-à-dire se débarrasser du symbole même de la justice. 6. Couòssa ou cùossa : calebasse. Au sens figuré, désigne la tête. Peut également signifier « sébille ». 7. Baderne : homme, spécialement militaire, borné et rétrograde (péjoratif). 8. Sautà fuora dòu semenat : sortir de la question ; ici, comprendre « battre la campagne », ou délirer.
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