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Sièn mòrou, lou sabèn (Nous sommes noirs, nous le savons) ou Lu mòrou (Les Maures) Chanson traditionnelle de Carnaval, comté de Nice.
Pendant le carnaval, chanson interprétée par un groupe de mascarat (« déguisés ») en chemise – ou drap – et bonnet de nuit d’une blancheur douteuse, le visage et les bras noircis au charbon ou à la suie, et porteurs de soufflets, qu’on appelait les souffl’au cùu. Ces morou parcouraient le corso carnavalesque ou fendaient la foule, où ils soufflaient ostensiblement le fondement des hommes et sous les robes des femmes. Le soufflet comme métaphore du sexe fertilisateur (cf. Jean-François Dutertre, in J. Coget, L’Enfer de la chanson traditionnelle).
Cette chanson carnavalesque, accompagnée par la vespa, porte la réminiscence des temps troublés par les incursions des Sarrasins et la peur des Barbaresques (les Turcs) et des pirates méditerranéens, dont le souvenir a longtemps perduré dans la mémoire collective. Le bassin nord-méditerranéen présente des traditions similaires, depuis les morou y christianos pendant les fallas de Valencia en Espagne, jusqu’au moro de Mondovi en Piémont italien et le maurou de Rijeka (ex-Fiume) en Croatie. Sans oublier, pour notre Midi, « Sarrasin » en Languedoc, « Pailhasse » près de Montpellier ou les jeux de la Fête-Dieu à Aix-en-Provence.
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Sièn mòrou, lou sabèn Semblan toui d’Afriquèn. Ma se n’en lavessian Bessai vous plaserian.
Lu boufet soun rout, N’en resta plus que vuech.
Qu vòu si fà boufà Que vengue n’a trovà Lou fèn coum’ un tambau Sensa li faire mau. | | Nous sommes noirs (1), nous le savons Nous ressemblons tous à des Africains. Mais si nous nous lavions Peut-être [que] nous vous plairions.
Les soufflets sont cassés, Il n’en reste plus que huit.
Qui veut se faire « souffler » Qu’il vienne nous trouver Nous le faisons comme un tambour Sans lui faire mal. |
On rencontre également la variante suivante, qui précise l’intention du deuxième couplet et en ajoute un troisième :
Sien maurou lou saben Semblan toui d’Africain. Ma se si lavessien Bessai vou plaserien.
Cu voû si fa bouffa Che vengon n’a trouva, Lu boufferen lou traoù Sensa li faire maù
Se lu bouffet son rout, Faoù lu fa arrangia. Si n’avès plus d’argen, Asperes l’an che ven. | | Nous sommes noirs, nous le savons Nous ressemblons tous à des Africains. Mais si nous nous lavions Peut-être [que] nous vous plairions.
Qui veut se faire « souffler » Qu’il vienne nous trouver, Nous leur souffleront le trou Sans lui faire mal.
Si les soufflets sont cassés, Faites-les réparer. Si vous n’avez plus d’argent, Attendez l’an prochain. |
Ce texte est à mettre en parallèle avec le dernier couplet du chant provençal Lo Bofet (Le Soufflet) :
Aprochas vous, amabla damaiselo, Venes ranimar nostro zelo. Podes venir soven, Vous dounaren de ven Mai dous que lou mistraou Que fa sara lou traou. | | Approchez-vous, aimable demoiselle, Venez ranimer notre zèle. Vous pouvez venir souvent, On vous donnera du vent Plus doux que le mistral Qui fait serrer le trou. |
1. Mòrou ou maurou : signifie indistinctement Maure (du latin maurus, africain), noiraud, brun. À ne pas confondre avec li Maura, les Maures, le massif côtier dans le Var.
Bibliographie | • | Delrieu (Georges), Anthologie de la chanson niçoise, Nice, éd. Delrieu et Cie, 1960, p. 185. | • | Tosan (Albert), Princivalle (Gaël) et d’Hulster (Frédéric), Anthologie de la chanson du comté de Nice, Nice, Serre éditeur, collection « Encyclopædia niciensis – Patrimoine régional », vol. III, 2001, p. 246. | • | revue Lou Sourgentin, Nice, n° 80, 1988, p. 34 ; n° 163, 2004, p. 25. |
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