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Fla ! Fla ! Chanson officielle du carnaval de Nice 1926 Paroles niçoises Dominique Jules Mari, musique Hyacinthe Tarelli, dit Cinto Tarelli. Traditionnel comté de Nice.
Le thème pour cette année 1926 est « La marmite aux Enfers ». Dans la chanson officielle et dans l’illustration réalisée par Gustav Adolf Mossa, Carnaval est représenté en Orphée aux Enfers, coiffé de la couronne de lauriers du poète et tenant sa lyre de musicien dans les mains, rôtissant sur son pairòu (chaudron) aux flammes infernales. Il vient chercher son Eurydice-Pétronille, habillée et coiffée à la mode de la Belle Époque et des Années folles.

Première page de la partition sur feuilles volantes de Fla ! Fla ! illustration par Gustav Adolf Mossa, éd. Delrieu frères, Nice, 1926. | | 1er couplet |
De retour vers lou sièu tronou Carneval a rescountrat Una filla De buona familla ; Couma si suona Petronou Per prenoun li a dounat Petronilla Era indicat ! Cat ! | | De retour vers son trône Carnaval a rencontré Une fille De bonne famille ; Comme elle s’appelle Pétronne Pour prénom il lui a donné Pétronille C’était indiqué ! Qué ! |
Refrain |
Petronilla ! Regina dei flou ! Petronilla ! Per aquestu giou Zou ! Distribu’ a toui l’allegria ! Zou ! Fai n’en anà en ravaria ! Petronilla ! Fai lou bacanal ! Petronilla ! Mena toui lu bal’ ! Zou ! Fai sautà bulou e viei ra... pla... pla ! Zou ! Que cadun s’amuse sensa... Fla ! Fla ! | | Pétronille ! Reine des fleurs ! Pétronille ! Pendant ces jours Zou ! Elle distribue à tous l’allégresse ! Zou ! Fais-nous délirer ! Pétronille ! Fais la bacchanale ! Pétronille ! Elle mène tous les bals ! Zou ! Fais sauter les costauds et les vieux raplapla ! Zou ! Que chacun s’amuse sans... Fla ! Fla ! |
2e couplet |
Nouostra nouvell’ Eurydissa, Que li a chivus coupat, Petronilla Es tan bella filla Que souta lou ciel de Nissa, Doun cadun ès enflamat’, Petronilla Sau si faire aimà ! Fla ! | | Notre nouvelle Eurydice (1), Qui a les cheveux coupés (2), Pétronille Est si jolie fille Que sous le ciel de Nice, Où chacun est enflammé, Pétronille Sait se faire aimer ! Fla ! |
3e couplet |
À l’infer cour’avìa sete, Si mandava en lou gavai De pastilla De buona vanilla. Ma despi lou giou dei gipe Noun vòu plus suçà giamai, Petronilla, Que de gipe en fai ! Fai ! | | En enfer quand elle avait soif, Elle s’envoyait dans le gosier Des pastilles De bonne vanille. Mais depuis le jour des « plâtres (3) » Elle ne veut plus sucer jamais, Pétronille, Que du plâtre en paquet (4) ! Quet ! |
4e couplet |
Coura la festa finida Embé lou sièu bèu roman, Petronilla Si farà la filla, Lu diau, toui en partida, Counduche dau viei Satan, En familla, Li zounzouneran Zan ! | | Quand la fête finie Avec son beau roman, Pétronille Se fera la fille, Les diables, tous (de la) partie, Conduite chez le vieux Satan, En famille, Lui murmureront Zan ! |
1. Dans la mythologie grecque, la dryade Eurydice a été mortellement mordue par un serpent, alors qu’elle était poursuivie par le berger Aristée un jour où elle jouait dans les champs avec ses compagnes. Son époux, le poète et musicien Orphée, obtient de Zeus la permission de descendre aux Enfers pour ramener Eurydice sur Terre et à la vie. Avec sa lyre, il calme le féroce Cerbère ; par ses chants, il apaise un moment les Furies et charme les gardiens du séjour infernal. Orphée obtient d’Hadès, dieu des Enfers, le retour d’Eurydice dans le monde des vivants, à la condition qu’il ne la regarde pas avant d’avoir franchi le seuil des Enfers. Arrivé à la porte du séjour des Ombres, pour vérifier si Eurydice le suit bien, Orphée oublie la condition imposée, tourne la tête et perd Eurydice, qui disparaît pour toujours. Inconsolable, Orphée est tué par les Bacchantes, jalouses de son amour exclusif pour Eurydice.
2. À la Belle Époque – premières années du XXe siècle considérées comme particulièrement heureuses et insouciantes – et pendant les Années folles – période allant de 1918 à 1929 –, la mode pour les femmes est de porter les cheveux coupés très courts, à la garçonne.
3. Le « jour des plâtres » fait référence au dernier jour du carnaval pendant lequel on utilisait des confettis qui, autrefois, n’étaient pas en papier, mais faits de petites boulettes de plâtre coloré ou d’un mélange de plâtre et de sucre, de la grosseur d’un petit pois. Ces boulettes avaient elles-mêmes remplacé au XIXe siècle les dragées utilisées dès l’origine du carnaval. Le Guide bleu de Nice paru en 1893-1894 décrit la bataille de confettis en plâtre qui a lieu durant le carnaval de la ville : | « Les fêtes commencent par un défilé de chars, masques, mascarades, voitures décorées, et cela au milieu d’une bataille effrénée à laquelle toute la population prend part : la bataille des confetti. | | « Les confetti sont des boulettes de plâtre coloriées, de la grosseur d’un petit pois. Celui qui veut prendre part à la bataille emporte avec lui ses munitions et, le visage protégé par un grillage en fil de fer, la tête resserrée par un bonnet, armé d’une petite pelle qui sert à lancer les confetti, se jette bravement dans la mêlée ; alors gare au premier qui l’attaque. Gare surtout au malheureux chapeau haut de forme qui s’aventure sur le parcours du défilé carnavalesque ; on en fera impitoyablement un accordéon. | | « La rue Saint-François-de-Paule, la promenade du Cours et la place de la Préfecture, où sont construites les tribunes, sont les endroits les plus animés. | | « Qui n’a pas vu le carnaval de Nice ne peut s’en faire une idée bien exacte ni comprendre qu’une population entière puisse arriver à ce degré de folie qui la fait se ruer tout à coup dans la rue pour se lancer mutuellement à la tête de petites boulettes de plâtre. Et cependant, combien de nos jolies mondaines appartenant à la colonie étrangère se précipitent au sein de la mêlée, au milieu des bruits de la foule, des piétinements des chevaux, des cris des masques et des notes aigres des fanfares. | | « Les personnes qui ne voudront pas prendre part à la bataille des confetti pourront louer des places sur les tribunes de la Préfecture ou, mieux encore, une fenêtre ou un balcon donnant sur la rue Saint-François-de-Paule. Elles assisteront de là au spectacle de la lutte, sans crainte de recevoir la moindre pelletée de confetti. » |
La pratique des confettis en plâtre, appelé également « confettis italiens », ayant donné lieu à des abus et des accidents, et sous la pression des touristes venant à Nice pour assister (et non participer !) au carnaval, les confettis de plâtre ont progressivement été remplacés par des confettis de papier mâché, puis de papier. Ces confettis modernes, lancés à Paris au début des années 1890 (a), apparurent à Nice dès 1892, sous le nom de « confettis de Paris ». Les confettis en plâtre seront finalement interdits à Nice à partir de 1955.
Le mot confetti vient d’un mot italien désignant une confiserie semblable à la dragée. Le Nouveau Petit Robert, dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, édition 2009, précise que c’est le pluriel de confetto, mot qui vient du latin confectus signifiant « préparé », qui a également donné le mot « confit » (article Confetti, p. 502). Le niçois gip désigne le gypse dont on extrait le plâtre et, par métonymie, le plâtre lui-même.
(a) Les journaux parisiens de ces années-là rapportent que la mode débuta au Casino de Paris, en décembre 1891, à l’initiative de son administrateur, Monsieur Lué. Son père ingénieur à Modane lui aurait fait parvenir les chutes de papier utilisées à cette occasion. Le lancement du nouveau confetti aurait eu lieu au cours d’une fête donnée pour le Carnaval de Paris, alors très grand et qui durait depuis la Saint-Martin, le 11 novembre, jusqu’aux Jours gras en février-mars, avec une reprise pour la Mi-Carême. La paternité du lancement du confetti à Paris est attribuée, sur la partition de la chansonnette Les Confettis éditée en 1895, « À Messieurs Borney et Desprez, Innovateur des Confettis Parisiens ».
4. Fai : faisceau, fagot, et plus généralement charge à porter.
Bibliographie | • | Delrieu (Georges), Anthologie de la chanson niçoise, Nice, éd. Delrieu et Cie, 1960, p. 176-177. | • | Tosan (Albert), Princivalle (Gaël) et d’Hulster (Frédéric), Anthologie de la chanson du comté de Nice, Nice, Serre éditeur, collection « Encyclopædia niciensis – Patrimoine régional », vol. III, 2001, p. 130-131. |
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