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Gent dòu quartié (Gens du quartier) Noël traditionnel du comté de Nice, 1810 (1).
Dans une ambiance inquiétante, ce noël (peut-être incomplet ?) montre un enfant Jésus nouveau-né vengeur, portant déjà l’épée. L’aspect sombre se comprend aisément par la mise en perspective du noël avec l’histoire tourmentée du comté, contemporaine de la date de sa composition : invasion du comté par les troupes françaises le 29 septembre 1792, ville de Nice livrée pendant deux jours aux pillages et à la violence primitive des soldats de la Révolution, exactions dans l’arrière-pays par les colonnes du général d'Anselme ; naissance des barbets (mouvement contre-révolutionnaire niçois, comparable à la chouannerie bretonne et aux guerres de Vendée) dans l’hiver 1792-1793 ; défaite de l’armée austro-sarde en mai 1794, offensive austro-sarde de reconquête du comté en 1799 ; regain de l’activité des barbets en 1799-1800, répression par les colonnes mobiles françaises de 1796 à 1801 ; retour du comté de Nice au royaume de Piémont-Sardaigne par le traité de Paris du 30 mai 1814.
1er couplet |
Gènt dòu quartié, escoutas la nouvella Qu’embé plasì iéu vous veni dounà. Sourtès, venès vé doun li a l’estella ; A la cabana li vous vau menà. Veirès lou Fiéu de Diéu e de Maria Nat au moumen soubre d’un pau de fèn, Veirès lou Fiéu de Diéu e de Maria Nat au moumen soubre d’un pau de fèn, Nat au moumen soubre d’un pau de fèn. | | Gens du quartier, écoutez la nouvelle Qu’avec plaisir je viens vous donner. Sortez, venez voir où il y a l’étoile ; À la cabane je vais vous y mener. Vous verrez le Fils de Dieu et de Marie Né à l’instant, sur un peu de foin, Vous verrez le Fils de Dieu et de Marie Né à l’instant, sur un peu de foin, Né à l’instant, sur un peu de foin. |
Refrain |
Anèn toui léu, anèn a la cabana, Anèn toui, gran, pichoui, parent, vesin, Grimpen la couola, devoren la plana, Anèn adourà aqueu bèu Bambin. | | Allons tous vite, allons à la cabane, Allons tous, grands, petits, parents, voisins, Grimpons la colline, dévorons la plaine, Allons adorer ce beau bambin. |
2e couplet |
Es èu lou Mestre dòu Ciel, de la Terra. N’es vengut atrovà per nouostre ben, Car au demoni va faire la guerra, Qu’es un couquin, ma noun cregnès plus rèn : L’espada es jà en la ganassa, (bis) Li a qu’a poussà per lou ben terrassà. (bis) Li a qu’a poussà per lou ben terrassà. | | C’est lui le Maître du Ciel, de la Terre. Il est venu nous trouver pour notre bien, Car au démon il va faire la guerre, Que c’est un (2) coquin, mais ne craignez plus rien : L’épée est déjà dans la ganache (3), (bis) Il n’y a qu’à pousser pour le bien terrasser. (bis) Il n’y a qu’à pousser pour le bien terrasser. |
3e couplet (4) |
Qu es aquèu mourre de cùu de pairola Qu’es ajoucat aià sus d’un caméu ? Sacrapa d’un judiéu, couma fignoula, N’a courouna e superbou mantèu. Qu sau doun va, e qu sau de doun vengue ? (bis) Faguesse pau au Pichoun, li a de còu ! (bis) Faguesse pau au Pichoun, li a de còu ! | | Qui c’est, cette trogne de cul de chaudron Qui est perchée là-bas sur un chameau ? Sacré [nom] d’un juif, comme il fait des manières, Il a couronne et superbe manteau. Qui sait où il va, et qui sait d’où il vient ? (bis) S’il faisait peur au Petit, parfois ? (bis) S’il faisait peur au Petit, parfois ? |
1. La revue Nice historique (cf. infra, Bibliographie) indique que, d’après un courrier en sa possession, « ce noël se chantait à Nice en 1810, au presepi de M. Dominique Pistatour ». 2. L’anacoluthe personnifie le prince des démons (par l’un de ses noms sous-entendu : Satan, Belzébuth, Lucifer...). 3. Ganache : partie latérale et postérieure de la mâchoire inférieure des quadrupèdes (de l’italien ganascia, mâchoire), c’est-à-dire, ici, la gueule du démon. 4. Ce 3e couplet met vraisemblablement en scène Gaspard, l’un des trois Rois mages : • vêtu de rouge : Balthazar (ou Malgathat), dont la personne symbolise l’âge mûr et les populations sémites, qui apporte à l’Enfant Jésus l’or de la royauté terrestre ; • vêtu de bleu : Gaspard (ou Galgalath), symbolisant la jeunesse et les populations noires d’Afrique, offrant l’encens de caractère divin ; • vêtu de vert : Melchior (ou Saratin), incarnant la vieillesse et les populations blanches, présentant la myrrhe pour rappeler à l’Enfant son destin mortel.
Bibliographie | • | Delrieu (Georges), Anthologie de la chanson niçoise, Nice, éd. Delrieu et Cie, 1960, p. 234-235. | • | Tosan (Albert), Princivalle (Gaël) et d’Hulster (Frédéric), Anthologie de la chanson du comté de Nice, Nice, Serre éditeur, collection « Encyclopædia niciensis – Patrimoine régional », vol. III, 2001, p. 134-135. | • | revue Nice historique, Nice, n° 1, 1914, p. 61, 201 ; n° 4, 1920, p. 74. |
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