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Iéu ai vist lou Piemount... , (bis) (Moi, j’ai vu le Piémont...) Paroles et musique Nicolas Saboly, dit Micoulau Sabòli. Traditionnel Provence.
Nicolas Saboly a proposé deux versions de ce noël composé en l’an 1660 après le mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse d’Autriche. Ce noël a ensuite été publié en 1668 dans le 1er cahier. Il figure sous le numéro 1 dans la réédition Fr. Seguin.
1er couplet |
Iéu ai vist lou Piemount, L’Italìo e l’Aragoun, La Perso e la Turquìo, L’Arabìo E la Chino e lou Japoun. Iéu ai vist l’Angloterro, La Pologno e lou Danemar ; E pèr terro, E pèr mar, Sènso asar, Siéu estat en proun de part. Après tout, iéu ai vist quaucarèn : Mai trobe rèn de bèu coume Betelèn. | | Moi, j’ai vu le Piémont, L’Italie et l’Aragon, La Perse et la Turquie, L’Arabie Et la Chine et le Japon. Moi, j’ai vu l’Angleterre, La Pologne et le Danemark ; Et par terre, Et par mer, Sans risque, Je suis allé en beaucoup de lieux. Après tout, moi, j’ai vu quelque chose : Mais je n’ai trouvé rien d’(aussi) beau que Bethléem. |
2e couplet |
Quand noste rèi Louis Venguèt en aquest païs, Eu troubè nosto vilo Plus gentilo Que gis que n’aguèsse vist. Assistèt à l’oufice, Faguè la Cèno après Rampau, L’eisercice Quauque pau ; Fè grand gau Quand touquè tous lei malaut. Bèn qu’acò fusse bèu, n’es pas rèn Auprès de ce qu’ai vist dedins Betelèn. | | Quand notre roi Louis Vint en ce pays (1), Il trouva notre ville Plus charmante Que celles qu’il n’eût vu. Il assista à l’office, Fit la Cène après les Rameaux (2), L’exercice Quelque peu ; Il fit grande joie Quand il toucha tous les malades (3). Bien que cela fut beau, ce n’est rien Auprès de ce que j’ai vu dans Bethléem. |
3e couplet |
Iéu ai segui la court, Bèn que sie pas moun umour ; Siéu estat en persouno A Baiouno E li ai fach un long sejour. Iéu ai vist l’assemblado, Lou mariage dòu rèi Louis, Soun intrado Dins Paris ; M’èro avis Qu’ère dins lou Paradis ! Bèn qu’acò fusse bèu, n’es pas rèn Auprès de ce qu’ai vist dedins Betelèn. | | Moi, j’ai suivi la cour, Bien que ce ne soit pas mon humeur ; Je suis allé en personne À Bayonne Et j’y ai fait un long séjour. Moi, j’ai vu l’assemblée, Le mariage du roi Louis, Son entrée Dans Paris ; Il m’était d’avis Que j’étais dans le Paradis ! Bien que cela fut beau, ce n’est rien Auprès de ce que j’ai vu dans Bethléem. |
4e couplet |
Lou mounde fai grand cas Deis article de la pas ; La Franço e l’Alemagno E l’Espagno An bouta leis armo à bas. Pèr viéure de sei rèndo, Un chascun met leis armo au cro. Pèr Calèndo (4), Près dòu fio, Dins soun lio, Chascun pauso cachafiò (5). Es verai qu’acò vèn dins lou tèm Qu’aquéu qu’a fa la pas es dins Betelèn. | | Le monde fait grand cas Des articles de la paix ; La France et l’Allemagne Et l’Espagne (6) Ont mis bas les armes. Pour vivre de ses rentes, Chacun met les armes au croc. Pour Noël, Près du feu, Dans son lit, Chacun fête la veille de Noël. Il est vrai que cela vient dans le temps Que celui qui a fait la paix est dans Bethléem. |
1. Louis XIV fit son entrée en Avignon le 19 mars 1660. Dès le 5 novembre 1658, le conseil de ville avait délibéré de faire à ce monarque une belle et magnifique entrée, et avait donné pouvoir aux consuls et aux députés du clergé et de l’université d’emprunter telle somme d’argent qu’ils jugeraient à propos pour subvenir à la dépense de cette fête. Le roi et la reine assistèrent aux offices religieux dans plusieurs églises, et plus particulièrement à Notre-Dame. Le dimanche avant Pâques, le roi assista, à la métropole, à la bénédiction des rameaux et suivit la procession qui se fit ensuite sur la plate-forme. Le Jeudi saint, ce monarque, assisté des ducs de Guise et de Créqui, lava les pieds à treize pauvres hommes, dans la grande salle du palais ; en même temps, la reine lavait, dans la salle basse de l’archevêché, les pieds à treize pauvres filles. Le jour de Pâques, Louis XIV, après avoir communié à la messe qu’il entendit aux Cordeliers, « toucha » (cf. infra) dans les cloîtres environ 800 malades. Il avait déjà touché en particulier quelques personnes de condition. Le lendemain 29 mars, dans l’après-midi, il fit évoluer ses mousquetaires sur la place de l’Archevêché. C’est à cette revue, ou peut-être en étant d’escorte, qu’un brigadier des chevau-légers de Sa Sainteté tomba avec son cheval dans une cave et ne put jamais en sortir. Mlle de Montpensier relate ce fait dans ses Mémoires et s’en divertit beaucoup aux dépens de la milice de la vice-légation. (D’après Paul Achard, archiviste du département de Vaucluse, cité par Fr. Seguin.)
2. Rampau (ou rampalm, ram de palm), signifiait à l’origine « rameau de palmier ». Puis le mot a désigné toute sorte de branches (rameaux de laurier, d’olivier...) qu’on portait à l’église pour les faire bénir, le dimanche des Rameaux. Il s’applique encore à des girandoles de fruits confits, de fleurs artificielles et de feuillage de clinquant, que les petits enfants portent et font bénir à cette fête. Par extension, rampau veut aussi dire le dimanche des Rameaux.
3. « Le roi te touche, Dieu te guérit. » C’est par cette formule que le roi de France était censé guérir les écrouelles par attouchement des malades, le jour de son sacre.
4. Comme le 25 décembre était le plus remarquable des huit jours avant les calendes (octavo ante calendas), nos ancêtres, devenus chrétiens, conservèrent le nom de calendas à ce jour pour désigner la fête de Noël.
5. Pausa cachafiò : fêter la veille de Noël. Cachafiò, bûche de Noël. On nomme ainsi, en Provence, une grosse bûche qu’on met au feu le soir de la veille de Noël, après trois libations avec du vin, en disant : Alègre, Diéu nous alègre ! Cachafiò vèn. | Diéu nous fague la gràci de vèire l’an que vèn ! Se sian pas mai, que fuguen pas men. Cette cérémonie ne se pratique plus guère ; mais on met encore, dans bien des localités, la bûche au feu pendant que l’on fait la collation. C’est un reste de l’ancien usage par lequel on allumait le feu, à l’époque du renouvellement de l’année, au solstice d’hiver. Un enfant et un vieillard devaient porter la bûche, parce que l’un représente l’année qui commence et l’autre celle qui finit. (Honnorat, Dict. provençal, art. Cachafuec.)
6. Allusion au traité des Pyrénées (ou paix des Pyrénées), signé le 7 novembre 1659 dans l’île des Faisans, sur la Bidassoa, par Mazarin et Luis Méndez de Haro. Ce traité mettait fin aux hostilités entre la France et l’Espagne, en guerre depuis 1635. L’Espagne abandonnait à la France d’importants territoires, dont le Roussillon, l’Artois et plusieurs places fortes du Nord. Il fut également stipulé que Louis XIV épouserait la fille de Philippe IV, Marie-Thérèse, qui renonçait à ses droits sur la couronne d’Espagne moyennant une dot de 500 000 écus d’or.
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