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Jan, Jausé (Jean, Joseph) Paroles niçoises et musique Martin-Saytour. Noël traditionnel du comté de Nice.
Comme dans Guihaume, Tòni, Pèire, ce noël commence par interpeller par leur prénom quelques-uns des habitants du village. L’originalité de ce noël réside dans la longueur du détail de la narration de la prémonition de l’événement (5 couplets) et du voyage des pèlerins (4 couplets), pour seulement 2 couplets relatifs à l’adoration devant la crèche.
1er couplet |
O ! Jan, Jausé, Jaume, Jana, Maria, Jaque, Girorme, Gertruda, Miquèu, Revilhas-vous, sautas toui en camilha Per qu’anas veire quaucaren de bèu ; Ah ! levas-vous, fès lèu... Que meloudia, Chanjas de bràia, courset e caireù. | | (De bon matin, le père appelle ses enfants.) Oh ! Jean, Joseph, Jeaume, Jeanne, Marie, Jacques, Jérôme, Gertrude, Michel, Réveillez-vous, sautez tous en chemise Parce que vous allez voir quelque chose de beau ; Ah ! levez-vous, faites vite... Quelle mélodie, Changez de braies, corset et fanchon. |
2e couplet |
Senti de bruì, anàs à la feniera, Saupe mi à dire cenqu’es, de doun vèn. Se son de ladre, doublas li barièra, Fè-lu mountà se son de bravi gent. Anàs e gardàs ben, ma plan dai niera Que noun vous pouòrton de pes toui ensen. | | J’entends du bruit, allez au fenil (1), Sachez me dire ce que c’est, d’où [ça] vient. Si ce sont des voleurs, doublez les barrières, Faites-les monter si ce sont de braves gens. Allez et regardez bien, mais lentement [à cause] des puces, Qu’ils ne vous portent des poux tous ensemble. (Le fils va voir et revient vers son père.) |
3e couplet |
Pà, veguessias quant mounde que pùa E qu’esquilassa da toui lu camin ; Barba Paoun e tanta Lagramua Son ja passat emb’au coumpaire Pin (2) ; Li a lou rangou Pepin (2), Gibas, la Grua, Qu sau per qu es aquestou festin ? | | Papa, vissiez-vous combien de monde qui monte Et qui crie (3) par tous les chemins ; Oncle Paoun (4) et tante Lagramua (5) Sont déjà passés avec le compère Joseph ; Il y a le boiteux Pepin, Bossu, la Grue, Qui sait pour qui est ce festin ? |
4e couplet |
O pà, veguessias que gran espectacle : Li a un ange au ciel que lus mai qu’un soulèu. Paire, venès veire aqueu gran miracle, Un’ estela es toumbada sus l’amèu. Aquel ange si bèu pouòrta un ouracle, Anèn l’entendre, noun cregnen la nèu. | | Oh ! papa, vissiez-vous quel grand spectacle : Il y a un ange au ciel qui luit plus qu’un soleil. Père, venez voir ce grand miracle, Une étoile est tombée sur le hameau. Cet ange si beau porte un oracle, Allons l’entendre, ne craignons pas la neige. |
5e couplet |
Venès toui, sabi la granda nouvella, Cantas, triounfas e pi vous la diéu ; La filha d’Anna, la bruna, la bella, S’es acouchada de l’enfant de Diéu, Ah ! Que plesì es lou miéu, suiven l’estela, Anen li oufrì vida e ben ; tout es siéu. | | Venez tous, je sais la grande nouvelle, Chantez, triomphez et puis je vous la dirai ; La fille d’Anne (6), la brune, la belle, A accouché de l’enfant de Dieu, Ah ! Quel plaisir est le mien, suivons l’étoile, Allons lui offrir vie et bien ; tout est sien. (On se prépare à partir.) |
6e couplet |
Pilha d’agnèu, de pigioun, de polenta, Emple li sacoula, lu canestroun ; Filha, ana-li vous oufrì per servanta, Enfant, fès tout, que per Eu noun fès proun ; Pilha mantèu, bastoun, noun plòu ni venta, Anen vìtou adourà maire e pichoun. | | Prends de l’agneau, des pigeons, de la polenta, Emplis les besaces, les petites mannes ; Filles, allez-y vous offrir pour servantes, Enfants, faites tout, que pour Lui vous ne faites assez ; Prends manteau, bâton, il ne pleut ni vente, Allons vite adorer mère et petit. (On se met en route.) |
7e couplet |
Passen d’aici, eviten l’avalanca, Un pòu pu en là, pilhas garda au trancas, Fès atencioun en passant sus la planca, Que noun faguessias pi quauque fau pas ; Dona à Cleofa lou bras, sinoun s’embranca. Va ti fa foutre ! Es toumbada d’en bas. | | Passons par ici, évitons l’avalanche, Un peu plus par là, prenez garde à la tranchée (7), Faites attention en passant sur la planche, Que vous ne fissiez pas quelque faux pas ; Donne à Cléofa le bras, sinon elle trébuche. Va te faire f... ! Elle est tombée en bas. (Accident.) |
8e couplet |
Vìtou, d’ajuda, que l’aiga l’empouòrta, Sautas toui dintre, anas la pescà. — Paire, la teni !... Maire, es mieja mouòrta... — Picas de fuec, la còu faire secà... — Jan, douna, se li a, de vin e pouòrta... Ah ! lou siéu pous coumença ja à picà. | | Vite, de l’aide, que l’eau l’emporte, Sautez tous dedans, allez la pêcher. — Père, je la tiens !... Mère, elle est à moitié morte... — Allumez (8) du feu, il faut la faire sécher... — Jean, donne, s’il y en a, du vin et porte... Ah ! son pouls [re]commence déjà à battre. |
9e couplet |
Tout va ben e suiven nouòstra routa, Cleofa es remessa, l’acoumpagnaren ; Vès aquel ae que passa aqui souta : Es dòu coumpaire, la li ajoucaren En tirant d’aici luen un còu de mouta, Lou bèu Pichoun que cercan trouveren. | | Tout va bien et nous suivons notre route, Cléofa est remise, nous l’accompagnerons ; Voyez cet âne qui passe ici dessous : Il est au compère, nous « la lui » jucherons ; En tirant d’ici loin un coup de motte, Le beau Petit que nous cherchons nous trouverons. (Arrivée à la cabane.) |
10e couplet |
Bèu rei de gloria, en que stat iéu vous trouvi : Su un pòu de pàia, dòu Ciel lou Fatour ; O ! Que plesì... O ! Que pena que prouvi, Es un countraste, ma es prouva d’amour. O, regeneratour oumble, v’adouri ; Acetas lou couòr d’un paure pastour. | | Beau roi de gloire, en quel état je vous trouve : Sur un peu de paille, [vous] du ciel le facteur (9) ; Oh ! Quel plaisir... Oh ! Quelle peine j’éprouve, C’est un contraste, mais c’est une preuve d’amour. Ô, régénérateur humble, je vous adore ; Acceptez le cœur d’un pauvre pâtre. |
11e couplet |
O, beu Jausé, e vous, bella Maria, Quant vous devès estimà ben urous De veire avèrada la proufecia E de gardà un depot tant precious. Vouòstre noum, bei espous, laudato sia E sigue ajuda ai moument perilhous. | | Ô, beau Joseph, et vous, belle Marie, Combien vous devez vous estimer bien heureux De voir avérée la prophétie Et de garder un dépôt si précieux. Vos noms, beaux époux, soient loués Et soyez aidés aux moments périlleux. |
1. Grenier où l’on range le foin. 2. Pepin, Pin, diminutifs de Joseph. 3. Esquilassà, pousser des cris de joie avec une voix aiguë. 4. Pahoun, pavoun, paon. 5. Lagramua, lézard des murailles. 6. Dans la tradition chrétienne, Anne est la mère de la Vierge Marie. 7. Trancas, le suffixe -as est dévalorisant (il correspond au français -asse) : il faut ici imaginer une tranchée boueuse, une « tranchasse ». 8. Picà, battre, frapper, percuter, piquer... Il faut se souvenir par exemple de l’expression « battre le briquet ». 9. Fatour, facteur (fabricant, créateur), ici dans le sens de régisseur.
Bibliographie | • | Tosan (Albert), Princivalle (Gaël) et d’Hulster (Frédéric), Anthologie de la chanson du comté de Nice, Nice, Serre éditeur, collection « Encyclopædia niciensis – Patrimoine régional », vol. III, 2001, p. 142-143. | • | Toselli Jean-Baptiste, Rapport d’une conversation sur le dialecte niçois, Nice, Ch. Cauvin, 1864, p. 123-124. | • | revue Armanac niçart, Nice, 1903, p. 91-93. | • | revue Nice historique, Nice, n° 1, 1914, p. 61 ; n° 4, 1920, p. 73 ; n° 3, 1938, p. 72. |
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