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Nautre sian d’enfant de cor (Nous, nous sommes des enfants de chœur) Paroles Nicolas Saboly, dit Micoulau Sabòli. Traditionnel Provence. Sur l’air du traquenard.
Ce noël a été publié en 1669 dans le 3e cahier. Il figure sous le numéro 21 dans la réédition Fr. Seguin.
Le dernier vers du dernier couplet, Que clerc sian e clerc saren (« Quels clercs nous sommes et clercs nous serons »), pourrait faire allusion aux nombreuses déceptions que Nicolas Saboly éprouva dans son ambition. On a révoqué en doute l’outrage goguenard qu’il infligea aux chanoines de Saint-Pierre d’Avignon, qui lui avaient individuellement promis leurs suffrages mais ne l’avaient jamais élu au canonicat. Si le fait peut être apocryphe, il est certain que le chapitre pourvoyait par l’élection aux vacances qui avaient lieu dans ses rangs ; et Nicolas Saboly pouvait bien, sans pour cela faire preuve d’une ambition blâmable, aspirer à un canonicat, juste récompense de ses services comme deuxième bénéficier. Voici l’anecdote attribuée à Nicolas Saboly par les Avignonais ; l’authenticité en est contestable et l’on peut à bon droit la considérer comme une fiction. On en trouve le récit dans une notice adressée par Castil-Blaze à M. Requien : « Les chanoines de l’église de Saint-Pierre se plaisaient beaucoup à avoir Saboly dans leur société : l’humeur enjouée du musicien bénéficier leur faisait passer des heures fort agréables. Des dîners où chacun apportait son plat réunissaient parfois les membres du chapitre. Nicolas Saboly sollicitait depuis longtemps un canonicat : il avait reçu la promesse du premier qui viendrait à vaquer. L’occasion favorable s’était plusieurs fois présentée, mais les offres de service des chanoines électeurs restaient sans effet. Le bénéficier, tant de fois désappointé, renonçant à poursuivre un avancement que l’on s’obstinait à lui refuser, médite une vengeance fort innocente et l’exécute au premier repas où il devait à son tour mettre le couvert. Le potage lui mérita d’abord les applaudissements de la docte assistance. Un bassin de grande capacité succède à la soupière : on le découvre, et les chanoines voient avec dépit que leurs ragoûts, pâtisseries, pièces de rôt, entremets chauds et froids, crèmes, confitures solides et liquides, ont été précipités malicieusement dans cet abîme ! Ils ne forment plus qu’un horrible mélange. Nicolas Saboly ne fait pas attendre la moralité, l’affabulation de sa plaisanterie, que tous avaient déjà trouvée de fort mauvais goût : “Comme les mets que vous avez fournis, leur dit-il, vous êtes bons, chacun séparément ; mais vous ne valez pas le diable du moment où vous vous assemblez et vous mêlez pour élire un chanoine.” »
1er couplet |
Nautre sian d’enfant de cor Que sian demoura d’acord De s’ana Permena En Judèio, Galilèio ; De s’ana Permena Au païs que Diéu es na. | | Nous, nous sommes des enfants de chœur Qui sommes demeurés d’accord Pour aller Promener En Judée, Galilée ; Pour aller Promener Au pays où Dieu est né. |
2e couplet |
Lou bèu jour deis Innoucènt, Partiren toutes ensèn. La favour, Aquéu jour, Nous fai èstre Toutei mèstre ; La favour, Aquéu jour, Nous dono tous leis ounour. | | Le beau jour des Innocents (1), Nous partirons tous ensemble. La faveur, Ce jour, Nous fait être Tous maîtres ; La faveur, Ce jour, Nous donne tous les honneurs. |
3e couplet |
Jaques, à l’aubo dòu jour, Fau que bate dòu tambour Ei cantoun D’Avignoun, Ei carriero Coustumiero, Ei cantoun D’Avignoun, Pèr souna sei coumpagnoun. | | Jacques, à l’aube du jour, Il faut qu’il batte du tambour Dans les coins D’Avignon, Dans les rues Coutumières (2), À la cantonade En Avignon, Pour appeler ses compagnons. |
4e couplet |
Pièisque lou pichot Louï Dis que se fau rejouï, Cantaren, Dansaren, Faren chiero Tout entiero ; Cantaren, Dansaren, Au defrùtu que faren. | | Puisque le petit Louis Dit qu’il faut se réjouir, Nous chanterons, Nous danserons, Nous ferons [bonne] chère Toute entière ; Nous chanterons, Nous danserons, À la ripaille (3) que nous ferons. |
5e couplet |
Francés dira de nouvè Sus lou cant dei menuet, E Bernard, Sus lou tar, Pèr aubado, Regalado, E Bernard, Sus lou tar, Cantara lou traquenard. | | François dira des noëls Sur l’air des menuets, Et Bernard, Sur le tard, Pour aubade, En cadeau, Et Bernard, Sur le tard, Chanteras le traquenard (4). |
6e couplet |
Jan-Batisto emé Pierrot Faran peta lei garrot A l’ounour Dòu Segnour, De soun Paire, De sa Maire ; A l’ounour Dòu Segnour Qu’es vengu li a quàuquei jour. | | Jean-Baptiste avec Pierrot Ferons péter les pétards En l’honneur Du Seigneur, De son Père, De sa Mère ; En l’honneur Du Seigneur Qui est venu il y a quelques jours. |
7e couplet |
Proufiten d’aquéu bèu jour, Ai pòu que sara trop court ! Troubaren E veiren Qu’après fèsto Lou fòu rèsto ; Troubaren E veiren Que clerc sian e clerc saren. | | Profitons de ce beau jour, J’ai peur qu’il soit trop court ! Nous trouverons Et verrons Qu’après fête Le fou reste (5) ; Nous trouverons Et verrons Quels clercs nous sommes et [quels] clercs nous serons |
1. Lou jour deis Innoucènt, le jour des (saints) Innocents : actuellement fêté le 28 décembre, en mémoire du massacre des Innocents. Les « abbés de la basoche », de la jeunesse ou de l’« abbaye mal gouvernée » étaient élus pendant les fêtes de Noël, le jour des Innocents, celui de la Circoncision ou enfin le jour des Rois (Épiphanie). On célébrait en ces jours la fête des fous (ou celle des ânes) : les enfants de choeur avaient, dans les églises qu’ils desservaient, droit d’insolence et d’espièglerie. En 1671, les enfants de choeur de la Sainte-Chapelle à Paris prétendaient encore commander le jour des Saints Innocents : ils occupaient les premières stalles, avec la chape et le bâton cantoral. À Bayeux, le jour des Innocents, les enfants de choeur, ayant à leur tête un évêque enfant qui officiait, occupaient les stalles hautes, et les chanoines, les basses.
2. Les places et les carrefours de la ville où devaient avoir lieu les publications n’étaient point laissés à l’arbitraire du crieur public : ils se trouvent soigneusement désignés, au nombre de 28, dans l’article V de la 14e rubrique des statuts d’Avignon.
3. Defrutu, et mieux desfrùti : au propre, destruction d’une grande quantité de fruits. Ici, ripaille, terme très justement appliqué à un festin d’enfants de chœur.
4. Traquenard : sorte de danse gaie.
5. Après fèsto, lou fòu rèsto : après la fête, on se retrouve fou comme avant. Jean de La Fontaine a écrit : « Gros Jean comme devant ».
Bibliographie | • | Saboly (Nicolas), Lei noé de San Pierre de l’année 1669 (Les noëls de Saint-Pierre de l’année 1669), Pierre Offray imprimeur, Avignon, 1669, p. 7-9. | • | Recueil des noëls composés en langue provençale, réédition Fr. Seguin, imprimeur-libraire, Avignon, 1856, p. 26-27. |
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