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O Magali Paroles Frédéric Mistral, musique traditionnel Provence.
Cette chanson, présente à la fin du chant III dans le poème Mirèio écrit par Frédéric Mistral, y joue le rôle d’une « musique de scène ». Ce poème met en scène les amours contrariés de Vincent et Mireille. Lors d’une séance de dépouillement des cocons de vers à soie, Mireille devient confuse lorsque les ouvrières révèlent l’avoir vue en compagnie de Vincent. Pour essayer de dissimuler ce secret, Mireille prétend que « plutôt que de me voir unir à un mari, je veux me cacher en un couvent de nonnes, à la fleur de mes ans ». Pas dupe, la vieille Norade chante alors la chanson de Magali, qui préférait refuser les avances de son jeune amoureux pour entrer comme « blanche nonnette au monastère de saint Blaise ».
Cette chanson traditionnelle provençale a été réutilisée par Charles Gounod à l’acte II de l’opéra Mireille pour l’air « Chanson de Magali ».
La version française est la traduction par Frédéric Mistral des paroles provençales d’origine.
1er couplet |
— O Magali ma tant amado Mete la tèsto au fenestroun ! Escouto un pau aquesto aubado De tambourin e de vióuloun. Ei plen d’estello, aperamount ! L’auro es toumbado, Mai lis estello paliran Quand te veiran ! | | — Ô Magali, ma tant aimée, Mets la tête à la fenêtre (1) ! Écoute un peu cette aubade De tambourins et de violons. (Le ciel) est là-haut plein d’étoiles ! Le vent est tombé, Mais les étoiles pâliront En te voyant ! |
2e couplet |
— Pas mai que dóu murmur di broundo, De toun aubado iéu fau cas ! Mai iéu m’en vau dins la mar bloundo Me faire anguielo de roucas. — O Magali, se tu te fas Lou pèis de l’oundo, Iéu, lou pescaire me farai, Te pescarai ! | | — Pas plus que du murmure des branches, De ton aubade je ne me soucie ! Mais je m’en vais dans la mer blonde Me faire anguille de rocher. — Ô Magali, si tu te fais Le poisson de l’onde, Moi, pêcheur je me ferai, Je te pêcherai ! |
3e couplet |
— Oh ! mai, se tu te fas pescaire, Ti vertoulet quand jitaras, Iéu me farai l’aucèu voulaire, M’envoularai dins li campas. — O Magali, se tu te fas L’aucèu de l’aire, Iéu lou cassaire me farai, Te cassarai. | | — Oh ! mais, si tu te fais pêcheur, Quand tu jetteras tes verveux, Je me ferai l’oiseau qui vole, Je m’envolerai dans les landes. — Ô Magali, si tu te fais L’oiseau de l’air, Je me ferai, moi, le chasseur, Je te chasserai ! |
4e couplet |
— I perdigau, i bouscarido, Se vènes, tu, cala ti las, Iéu me farai l’erbo flourido E m’escoundrai dins li pradas. — O Magali, se tu te fas La margarido, Iéu l’aigo lindo me farai T’arrousarai. | | — Aux perdreaux, aux becs-fins, Si tu viens tendre tes lacets, Je me ferai, moi, l’herbe fleurie Et me cacherai dans les prés vastes. — Ô Magali, si tu te fais La marguerite, Je me ferai, moi, l’eau limpide, Je t’arroserai. |
5e couplet |
— Se tu te fas l’aigueto lindo, Iéu me farai lou nivoulas E lèu m’enanarai ansindo A l’Americo, perabas ! — O Magali, se tu t’en vas Alin is Indo, L’auro de mar iéu me farai, Te pourtarai ! | | — Si tu te fais l’onde limpide, Je me ferai, moi, le grand nuage Et promptement m’en irai ainsi En Amérique, là-bas bien loin ! — Ô Magali, si tu t’en vas Aux lointaines Indes, Je me ferai, moi, le vent de mer, Je te porterai ! |
6e couplet |
— Se tu te fas la marinado, Iéu fugirai d’un autre las : Iéu me farai l’escandihado Dóu grand soulèu que found lou glas ! — O Magali, se tu te fas La souleiado, Lou verd limbert iéu me farai E te béurai ! | | — Si tu te fais le vent marin, Je fuirai d’un autre côté : Je me ferai l’échappée ardente Du grand soleil qui fond la glace ! — Ô Magali, si tu te fais Le rayonnement du soleil, Je me ferai, moi, le vert lézard Et te boirai ! |
7e couplet |
— Se tu te rèndes l’alabreno Que se rescound dins lou bartas, Iéu me rendrai la luno pleno Que dins la niue fai lume i masc ! — O Magali, se tu te fas Luno sereno, Iéu bello nèblo me farai, T’acatarai. | | — Si tu te rends la salamandre Qui se cache dans le hallier, Je me rendrai, moi, la lune pleine Qui éclaire les sorciers dans la nuit ! — Ô Magali, si tu te fais Lune sereine, Je me ferai, moi, belle brume, Je t’envelopperai. |
8e couplet |
— Mai se la nèblo m’enmantello, Tu, pèr acò, noun me tendras ; Iéu, bello roso vierginello, M’espandirai dins l’espinas ! — O Magali, se tu te fas La roso bello, Lou parpaioun iéu me farai, Te beisarai. | | — Mais si la brume m’enveloppe, Pour cela, tu ne me tiendras pas ; Moi, belle rose virginale, Je m’épanouirai dans le buisson ! — Ô Magali, si tu te fais La rose belle, Je me ferai, moi, le papillon, Je te baiserai (2). |
9e couplet |
— Vai, calignaire, courre, courre ! Jamai, jamai m’agantaras. Iéu, de la rusco d’un grand roure Me vestirai dins lou bouscas. — O Magali, se tu te fas L’aubre di moure, Iéu lou clot d’èurre me farai, T’embrassarai ! | | — Va, poursuivant, cours, cours ! Jamais, jamais tu ne m’atteindras. Moi, de l’écorce d’un grand chêne Je me vêtirai dans la forêt sombre. — Ô Magali, si tu te fais L’arbre des mornes, Je me ferai, moi, la touffe de lierre, Je t’embrasserai (3) ! |
10e couplet |
— Se me vos prene à la brasseto, Rèn qu’un vièi chaine arraparas... Iéu me farai blanco moungeto Dóu mounastié dóu grand sant Blas ! — O Magali, se tu te fas Mounjo blanqueto, Iéu, capelan, counfessarai E t’ausirai ! | | — Si tu veux me prendre à bras-le-corps, Tu ne saisiras qu’un vieux chêne... Je me ferai blanche nonnette Du monastère du grand saint Blaise (4) ! — Ô Magali, si tu te fais Nonnette blanche, Moi, prêtre, à confesse Je t’entendrai ! |
11e couplet |
— Se dóu couvènt passes li porto, Tóuti li mounjo trouvaras Qu’à moun entour saran pèr orto, Car en susàri me veiras ! — O Magali, se tu te fas La pauro morto, Adounc la terro me farai, Aqui t’aurai ! | | — Si du couvent tu passes les portes, Tu trouveras toutes les nonnes Autour de moi, errantes Car en suaire tu me verras ! — Ô Magali, si tu te fais La pauvre morte, Adoncques je me ferai la terre, Là je t’aurai ! |
12e couplet |
— Aro coumence enfin de crèire Que noun me parles en risènt : Vaqui moun aneloun de vèire Pèr souvenènço, o bèu jouvènt ! — O Magali me fas de bèn ! Mai, tre te vèire, Ve lis estello, o Magali, Coume an pali ! | | — Maintenant, je commence enfin à croire Que tu ne me parles pas en riant : Voilà mon annelet de verre Pour souvenir, beau jouvenceau ! — Ô Magali, tu me fais du bien ! Mais, dès qu’elles t’ont vue, Vois les étoiles, ô Magali, Comme elles ont pâli ! |
1. L’amoureux ou le séducteur qui demande à la belle de se mettre à la fenêtre pour écouter une aubade est un thème récurrent. Voici comment don Juan s’exprime chez Mozart dans l’opéra Don Giovanni, air « Deh vieni alla finestra... » : Deh vieni alla finestra, o mio tesoro | Deh vieni a consolar il pianto mio. | Se neghi a me di dar qualche ristoro, | Davanti agli occhi tuoi morir vogl’io !... Ah ! Viens à la fenêtre, ô mon trésor | Ah ! Viens consoler mes larmes. | Si tu me refuses un soulagement, | Sous tes yeux je veux mourir !...
2. Au sens littéral, c’est-à-dire « Je te donnerai des baisers ». Cf. baiser.
3. Au sens littéral, c’est-à-dire « Je te prendrai dans mes bras ». Cf. embrasser.
4. En Arles.
Bibliographie | • | Mistral Frédéric, Mirèio, pouèmo prouvençau (Mireille, poème provençal), Paris, Charpentier libraire-éditeur, 2e édition, 1859, p. 116-127 ; | • | Tiersot Julien, Histoire de la chanson populaire en France, Paris, 1889, p. 108-109. |
Voir également Le cinéma.
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