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Nouvè doi Boiroulencs (Noël des Bairolois) ou Lo crècho per l’an doù Signour 1926 (La crèche pour l’an du Seigneur 1926) Paroles Sully Maynart. Traditionnel comté de Nice. Sur l’air Lei pastourèu.
Ce texte a été récompensé en 1926 au concours de poésie en dialecte du comté de Nice, section « nouvè », organisé par l’Acadèmia nissarda. Il est écrit dans le gavot du pittoresque village perché de Bairols (vallée de la Tinée) dont Sully Maynart (originaire de Pont-de-Clans, en contrebas de Bairols) était un ardent défenseur. Sully Maynart a su rendre la ferveur que suscite la naissance du Christ, ainsi que la pressante invocation de ces montagnards assujettis aux plus rudes besognes, leur plainte mélancolique – leur rancœur même – en présence de l’abandon dans lequel ils sont laissés. Dans l’anachronisme inhérent au genre des noëls, ces doléances font apparaître quelques traits des habitudes électorales, et même l’automobile, celle des candidats à la députation, oublieux de leurs promesses...
1er couplet |
Gen de Boiruos, anan toui o lo crécho, Pichoun e gran, per prega l’Enfan Diù. Sien tan soulès subre lo nuostro rocho Que doù Signour aùren lo coumpassiù. Anen, anen, e perden pas lou ten. (bis) | | Gens de Bairols, allons tous à la crèche, Petits et grands, pour prier l’Enfant Dieu. Nous sommes si seuls sur notre pauvre roche Que du Seigneur nous obtiendrons la compassion. Allons, allons, et ne perdons pas le temps. (bis) |
2e couplet |
O beù Jesu su vouostro paio, Li Boiroulencs vou vengoun odoura. Soun coumo vous, din si poùri muraio, Ben molurous e vou vengoun prega. Durbès, durbès uèi e cuor lo fès. (bis) | | Ô beau Jésus sur votre paille, Les Bairolois viennent vous adorer. Ils sont comme vous, dans les pauvres murs, Bien malheureux et viennent vous prier. Ouvrez, ouvrez [nos] yeux et [notre] cœur vous le faites. (bis) |
3e couplet |
Oi castagnès, dounas ben de castagnos ; Li foù carga qué n’aven tan besoun ! Fa tan de frèi su li nuostro mountagnos ! Oissi, l’iver, coumenço me l’aùtoun. Remplès, remplès lo grotto e li graniès. (bis) | | Aux châtaigniers, donnez bien des châtaignes ; Il les faut [bien] chargés, car nous en avons tant besoin ! Il fait si froid sur nos montagnes ! Ici, l’hiver commence avec l’automne. Remplissez, remplissez les caves et les greniers. (bis) |
4e couplet |
Doù uliviès, fès escopa lo musco Que fa toumba l’uliv avan lou jour. Vi prouméten de ben rempli lo dourco, Qué jou e nueç lo lampo doù Signour Toujou, toujou brulora davan vou. (bis) | | Des oliviers, faites échapper la mouche (1) Qui fait tomber l’olive avant le jour. Nous vous promettons de bien remplir la dourca, Que jour et nuit la lampe du Seigneur Toujours, toujours brûlera devant vous. (bis) |
5e couplet |
Toùi li quatr’an, noun proumetoun lo routo, Li condidas o lo députassiù. Emeli aven trinca près de lo bouto Pi, soun portis senso manda’n adiù. Aven, ensin, toujou’n mari comin. (bis) | | Tous les quatre ans (2), ils nous promettent la route, Les candidats à la députation. Avec eux, nous avons trinqué près du tonneau Puis, ils sont partis sans nous envoyer un adieu. Nous avons, ainsi, toujours un mauvais chemin (3). (bis) |
6e couplet |
Dins un’auto, viroun lo copitalo... Subr’un pour’ai colan au Puon de Clans, Macan toujou lo nuostro paùro spalo Me lou fumiè e li sacas d’aglans. Lo crous, lo crous l’aven ben coumo vous. (bis) | | Dans une auto, ils [s’en] retournent [à] la capitale... Sur un pauvre âne descendant au Pont-de-Clans, [Se] meurtrissent toujours nos pauvres épaules Avec le fumier et les sacs de glands. La croix, la croix, nous l’avons bien comme vous. (bis) |
7e couplet |
Ma se caucun ven mai do quello raço Per demonda lo nuostro voutociù, Fès nou trouva la forço e lo ramasso Pèr li douna lo santo coureciù. Li coù, anas, lis aùran pa roubas. (bis) | | Mais si quelqu’un vient encore de cette race Pour demander notre vote, Faites-nous trouver la force et le balai Pour leur donner la sainte correction. Les coups, allez, ils [ne] les auront pas volés. (bis) |
8e couplet |
Un coù avian din lo gleio lou preire, M’eou cantavan lo glorio doù Buon Diù. Din si sermoun, a cadun feio veire Per si sauva li sant’obligassiù. Urous, urous lou tens qu’éro me nous. (bis) | | Une fois, nous avions dans l’église le prêtre, Avec lui nous chantions la gloire du bon Dieu. Dans les sermons, à chacun il faisait voir Pour se sauver les saintes obligations. Heureux, heureux le temps qu’il était avec nous. (bis) |
9e couplet |
Un mari jou, mounsignoure de Niço L’a fa cala, despi l’aven plu vis. Li nuostr’enfan creissoun plen de moliço, Ja plus dugun qué pens’aù Paradis. Signour, Signour, mandas leù un pastour. (bis) | | Un mauvais jour, monseigneur de Nice L’a fait descendre (4), depuis nous ne l’avons plus vu. Nos enfants grandissent plein de malice, Déjà plus personne ne pense au Paradis. Seigneur, Seigneur, envoyez vite un pasteur. (bis) |
10e couplet |
Gardas la pas din lo nuostro familho, E din lou cuor l’amour doù nuostre ben. Ia proun de gen qué s’en van o Marsilho, Gagnoun touplen e mouoroun senso ren. D’amour de l’or preservas nuostre cuor. (bis) | | Gardez la paix dans notre famille, Et dans le cœur l’amour de notre bien. Il y a beaucoup de gens qui s’en vont à Marseille, Ils gagnent beaucoup et meurent sans rien. De l’amour de l’or préservez notre cœur. (bis) |
11e couplet |
Fès nou passa touto lo nuostro vido O vous oima coumo li poùre gen. Soren urous couro sora finido, Cregneren pa lou vuostre jujemen. Alor, urous, soren toujou me vous. (bis) | | Faites-nous passer toute notre vie À vous aimer comme les pauvres gens. Nous serons heureux quand [ce] sera fini, Nous ne craindrons pas votre jugement. Alors, heureux, nous serons toujours avec vous. (bis) |
12e couplet |
Beù san Joùsé, santo Vierge Mario, Où vuostr’enfan fès tan de coumplimen. Naùtre porten, déjà lo luno brio, Ma vou laissan doù cuor li sentimen. Salù ! Salù ! Divin pichoun Jesu ! (bis) | | Beau saint Joseph, sainte Vierge Marie, À votre enfant faites tant de compliments. Nous autres, nous partons, déjà la lune brille, Mais nous vous laissons du cœur les sentiments. Salut ! Salut ! Divin petit Jésus ! (bis) |
1. Il s’agit de Cynips oleac (du grec kuôn, kunos, chien et ips, ver rongeur), insecte parasite de l’ordre des Hyménoptères (famille des Néatéocryptes), mesurant environ deux millimètres, qui pique l’olive dès qu’elle a la grosseur d’un pois et y dépose ses œufs, provoquant la formation de galles (le cairon sur l’olivier, ou le bédégar sur l’églantier, la noix de galle sur le chêne).
2. En 1926, date de composition de ce noël, la mandature d’un député était de quatre ans.
3. Pour être monté à Bairols depuis Pont-de-Clans, j’ai pu constater que la route construite depuis n’est encore, en ce début du XXIe siècle, qu’une route à voie étroite sur ses 7 km, rendant les croisements risqués.
4. Descendre de Bairols, petit village perché et isolé, vraisemblablement vers une paroisse plus importante de la vallée de la Tinée.
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