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Segnour, n’es pas resounable (Seigneur, ce n’est pas raisonnable) Paroles Nicolas Saboly, dit Micoulau Sabòli. Traditionnel Provence. Sur l’air Jeunes cœurs, laissez-vous prendre.
Le narrateur est saint Pierre, sous le vocable duquel est placée l’église collégiale Saint-Pierre d’Avignon dans laquelle Nicolas Saboly était organiste. Le noël fait écho à la transformation de la décoration intérieure de l’église, décidée par le chapitre en cédant au mauvais goût de l’époque. Nicolas Saboly s’inquiète de la durée de ces travaux, ainsi que de leur coût et de l’entretien incessant de ce nouvel aménagement. | À cette époque, le chapitre de la collégiale comptait douze chanoines titulaires, y compris le doyen et le capiscol. Le deuxième couplet serait une épigramme contre l’un d’eux, qui n’aurait pas eu l’étoffe d’un chanoine. | La tradition au sujet des deux plus grands seigneurs qui siègent sur la frontière (cinquième couplet), pour lesquels on devait dresser un siège distingué, est aujourd’hui perdue. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées : la frontière pourrait être celle de la paroisse, celle de l’État d’Avignon ou de l’État Venaissin, ou encore celle du royaume dans lequel ces deux États étaient enclavés. | | Dans le premier cas, les deux plus grands seigneurs seraient le vice-légat et l’archevêque, dont les palais étaient à peu près limitrophes de la paroisse Saint-Pierre. Cette hypothèse justifierait la fabrication d’un seul siège pour deux seigneurs venant chacun son tour, car en application des préséances, le vice-légat et l’archevêque se montraient rarement ensemble. | | Dans le deuxième cas, il pourrait s’agir : | | | de Charles-Félix de Galéans, qui servait avec une grande distinction dans les armées françaises en qualité de lieutenant général, dont la terre de Gadagne, limitrophe de l’État d’Avignon, avait été érigée en duché en 1669 ;de Rostaing d’Ancézune-Cadart, aide de camp de Louis XIV, dont la terre de Caderousse, limitrophe du Languedoc et de la principauté d’Orange, avait été érigée en duché en 1663. | | Dans le troisième cas, il pourrait s’agir : | | | de Charles de Siffrédy de Mornas, maréchal de camp qui s’illustra en Hollande, dont la famille habitait la paroisse Saint-Pierre ;de Villardy de Quinson, exerçant un commandement dans les armées françaises. |
Ce noël a été publié en 1674 dans le 8e cahier. Il figure sous le numéro 60 dans la réédition Fr. Seguin.
1er couplet |
Segnour, n’es pas resounable Que loujés dins un estable : Venès vous metre en repau Dins un lio plus ounourable. Vous m’avès douna lei clau, Iéu vous done moun oustau. | | Seigneur, ce n’est pas raisonnable Que vous logiez dans une étable : Venez vous mettre en repos Dans un lieu plus honorable. Vous m’avez donné les clés (1), Je vous donne ma maison. |
2e couplet |
Moun Douièn e mei canounge, Que soun un pau mai de vounge, Gènt de sèn e de resoun, Faran bèn ce qu’ iéu me sounje, Garniran vosto meisoun De tout ce qu’aura besoun. | | Mon doyen et mes chanoines, Qui sont un peu plus de douze, Gens de sens et de raison, Feront bien ce que je rêve, Garniront votre maison De tout ce qu’il y aura besoin. |
3e couplet |
N’i’aura rèn que de daururo, De reliéu d’architeturo, D’ournamen e de tablèu D’uno fort bello pinturo : Iéu espère que, bèn lèu, Sara quaucarèn de bèu. | | Il n’y aura rien que de dorures, De reliefs d’architecture, D’ornements et de tableaux D’une fort belle peinture : J’espère que, bien vite, Ce sera quelque chose de beau. |
4e couplet |
Pèr la vouto, qu’es fort bello, Li samenaran d’estello, Mai de milo, pèr lou men ; Lusiran coume candèlo ; Crese qu’efetivamen Semblara lou fiermamen. | | Pour la voûte, qui est fort belle, Ils lui sèmeront des étoiles, Plus de mille, pour le moins ; Elles luiront comme des chandelles ; Je crois qu’effectivement Elle semblera le firmament. |
5e couplet |
Faran faire uno cadiero D’uno fort bello maniero Pèr lei dous plus grand segnour Que siejon sus la frountiero, Lorsqu’un chascun à soun tour Vous vendra faire sa court. | | Ils feront faire une chaise D’une fort belle manière Pour les deux plus grands seigneurs Qui siègent sur la frontière, Lorsqu’un, chacun à son tour, Vous viendra faire sa cour. |
6e couplet |
Enfin touto ma pensado Es que siege bèn ournado : N’i’aura rèn de plus joli, Se’n cop pòu èstre acabado... Mai sara, coume se di, Lou Pont dòu Sant-Esperit. | | Enfin ma pensée Est que [ce] siège bien orné : Il n’y aura rien de plus joli, Si une fois il peut être achevé... Mais il sera, comme on dit, Le pont du Saint-Esprit (2). |
1. Selon la tradition romaine, saint Pierre est considéré comme le premier pape et accueille les âmes au Paradis, dont il possède les clés. 2. La première pierre du pont Saint-Esprit fut posée le 12 septembre 1265, mais il ne fut achevé qu’en 1309. Les frères de l’Hôpital ne cessèrent de faire des quêtes pour subvenir à son entretien.
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