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Li Baumeta (Les Baumettes) Paroles niçoises (Bernard ?) Martin-Saytour. Traditionnel comté de Nice.
Les paroles françaises d’origine, versifiées par René d’Helbingue, ne sont pas reproduites ici. Le texte en français correspond à la traduction mot à mot de la version niçoise.
Description bucolique de la vie quotidienne dans le quartier des Baumettes (1). Ci-après, les 8 couplets les plus fréquemment publiés.
1er couplet |
À li Baumeta Si respir’un bouon èr, À li Baumeta Noun li a jamai d’iver. Trouvas palai, jardin, Guingueta, de bouon vin. De poulidi filheta Filon sus lou camin La coulougneta ! | | Aux Baumettes Se respire un bon air, Aux Baumettes Il n’y a jamais d’hiver. Vous trouvez palais, jardins, Guinguettes, du bon vin. Des fillettes polies Filent sur le chemin La quenouillette ! |
2e couplet |
Au mes de Flora, O sia en lou printèmp, Au mes de Flora Viron lou mai souvènt. Caduna va sautà, Caduna va ballà, Deguna noun descouora ; N’en vouolon profità, Messié e nouòra. | | Au mois de Flore (2), Ou soit dans le printemps, Au mois de Flore Ils tournent le mai souvent. Chacune va sauter, Chacune va danser, Aucune ne se décourage ; Ils veulent en profiter, Messieurs (beaux-pères) et belles-filles. |
3e couplet |
Aqui si trova De pèu e de favoun ; Aqui si trova Toumetta e saucissoun. E per pescà de pèi, La mar es souta l’uèlh, Au ban de Terra-Nova Lu merlan soun tre bei, Fes-n’en la prova. | | Ici on trouve Des pois et des fèves ; Ici on trouve Fromage et saucisson. Et pour pêcher du poisson, La mer est sous les yeux, Au banc de Terre-Neuve, Les merlans sont très beaux, Faites-en l’essai. |
4e couplet |
Qu es que devina Aquela qu’aimi iéu ? Qu es que devina ? Escoutas, lou vous diéu : A de jupoun tout blanc, Boutoun d’or au mitan, Bourdura cremesina ; Dei bouosc, de prat e camp Es la regina. | | Qui est-ce qui devine [Qui est] celle que j’aime ? Qui est-ce qui devine ? Écoutez, je vous le dis : Elle a jupon tout blanc, Bouton d’or au milieu, Bordure cramoisie ; Des bois, des prés et champs Elle est la reine. |
5e couplet |
Dès oura picon, Fau virà lu taloun. Dès oura picon, Fau regagnà maioun. Van trià lu couhin, Li cìmia au traversin, E se li niera piton, Graton fin au matin E mai noun quiton. | | Dix heures sonnent, Il faut tourner les talons. Dix heures sonnent, Il faut regagner la maison. Ils vont trier (chasser) les cousins (3), Les punaises au traversin, Et si les puces piquent (4), Ils [se] grattent jusqu’au matin Et jamais ils n’abandonnent. |
6e couplet |
Lou matin, calon E si venon poustà, Lou matin, calon, Si venon assetà. Cerieia, pruna e poun Jemplon lou bourdigoun. Veguessias couma embalon ! Finda lu merilhoun Entié s’avalon ! | | Le matin, ils descendent Et viennent se poster, Le matin, ils descendent, Ils viennent s’asseoir. Cerises, prunes et pommes Emplissent la bordigue (5). Si vous voyiez comme ils « emballent » ! Même le noyau Entier ils s’avalent ! |
7e couplet |
Su cada planta Nidon lu passeroun, Su cada planta Audès lou siéu jargoun ; Merlou e roussignòu, La calàndra, que vòu Imità coura canta, Fa toute cenque pòu Ma noun s’en vanta. | | Sur chaque plante Nichent les passereaux, Sur chaque plante Entendez leur jargon ; Merle et rossignol, L’alouette, qui veut [Les] imiter quand elle chante, Fait tout ce qu’elle peut Mais ne s’en vante pas. |
8e couplet |
La merenjaina Farcida esta bèn, La merenjaina, L’archicota tambèn ; Ma pèr emplun li fòu D’oli, de froumai, d’òu Embé d’espècia fina, Verdura, aietoun nòu, Crousta en farina ! | | L’aubergine Farcie est bien, L’aubergine, L’artichaut aussi ; Mais pour [la] farce il faut De l’huile, du fromage, des œufs Avec des épices fines, Verdure, ail nouveau, Croûte en farine ! |
Jean-Baptiste Toselli (cf. infra Bibliographie) a publié les 25 couplets suivants (non numérotés), dans une graphie italianisante :
couplets A, B, C : cf. supra n° 1, 2, 3. |
couplet D |
Gioinome e fia Aimon touplen l’oudou, Gioinome e fia Aimon touplen li flou ; Tau fia un tulipan Préféra avè davan, Tau rosa au rosié bria Che lou giove en passan Se poù la pia. | | Jeunes hommes et filles Aiment beaucoup l’odeur, Jeunes hommes et filles Aiment beaucoup les fleurs ; Telle fille une tulipe Elle préfère avoir devant, Telle [une] rose au rosier brille Que le jeune en passant Peut la prendre. |
couplet E : cf. supra n° 4. |
couplet F |
Flora fa plassa E rientra l’estieù, Flora fa plassa, Escoutàs sen che dieu : D’uni si van bagnà, D’autre van calignà, E un pescadou che passe Di, sensa malignà : « Buon proun vou fasse. » | | Flore fait place Et arrive l’été, Flore fait place, Écoutez ce que je dis : Les uns vont se baigner, D’autres vont courtiser, Et un pêcheur qui passe Dit, sans penser à mal : « Que cela vous profite. » |
couplets G, H : cf. supra n° 5, 6. |
couplet I |
Lou pei abonda E se lou gibiè non, Lou pei abonda E avès poulas, pigion, Gallina, dindoneu, Lou mouton, lou vudeu, Trouvàs, s’anàs per ronda, Limassa e cantareu En cada bonda. | | Le poisson abonde Et si le gibier non, Le poisson abonde Et vous avez poulettes, pigeons, Poules, dindonneaux, Le mouton, le veau, Vous trouvez, si vous allez par [les] chemins, Escargots et petits escargots (6) Dans chaque bordure (7). |
couplet J |
La frucia veira Non nen fa plus beson, La frucia veira Non es plus de seson ; Avès li figa-flou, Verdala e abicou, Belouna e doùcueira, Che ieu aimi surtou Cour fan la seira. | | Les fruits de la récolte précédente Ne font plus besoin, Les fruits de la récolte précédente Ne sont plus de saison ; Vous avez les figues-fleurs, Les verdales et les abicò, Les bellones et les doùcueira (8), Que j’aime surtout Quand elles font la draine. |
couplet K |
Pomona arriva, La frucia farà fen. Pomona arriva E sen alasseren ; De raïn mouscateu Iempleren lu budeu, Mi fa già fà saliva, Bella seson, fai leu, Sies fuor tardiva. | | Pomone (9) arrive, Les fruits feront du foin. Pomone arrive Et nous nous en lasserons ; De raisin muscat Nous [nous] emplirons les entrailles, [Ça] me fait déjà saliver, Belle saison, fait vite, Tu es fort tardive. |
couplet L |
Suorba, aserola Son de tapa pertus. Suorba, aserola Fan anà embau fus. Bernissoù negre e blan, Pera de buon cristian E pesseghe de cuola Son de frui buoi e san, Suivès l’escola. | | Les sorbes, les baies Sont des bouche-trous. Les sorbes, les baies Font aller avec le fuseau. Les bernisses (10) noires et blanches, Les poires de bon chrétien Et les pêches de colline Sont des fruits bons et sains, Suivez l’exemple. |
couplet M |
Li a de bouscarla, Piola e fournighié, Li a de bouscarla En tout lou cartié. Ma se ven regalas, Lu fou ciausì ben gras, Avè la saladetta Lesta, cour lu levas Da la brocetta. | | Il y a des fauvettes, Des sirlis et des fourmilières, Il y a des fauvettes Dans tout le quartier. Mais si vous vous en régalez, Il faut les choisir bien gras, Avec la petite salade Prête, quand vous les enlevez De la brochette. |
couplet N : cf. supra n° 7. |
couplet O |
La matinada Cu cassa emb’au fusieu, La matinada Cu embe l’arret de fieu, Cu embe l’aubre en man Percourre toui lu cian. Cu va embe la viscada, Ma ’s rar pià en passan Una coupada. | | La matinée Chacun chasse avec le fusil, La matinée Qui avec le piège en fil (11), Qui avec l’arbre (12) en main, Ils parcourent tous les champs. Qui va avec le gluau, Mais il est rare de prendre en passant Une alouette cochevis. |
couplet P |
Li a cu va tendre L’esperença ai rigau, Li a cu va tendre De las ai animau : Si cassa au trabuquet, Au furet, au falquet, Ma ni a che non si tiron Che cour dintre un bousquet Si retiron. | | Il y a celui qui va tendre Le brai (13) aux rouges-gorges, Il y a celui qui va tendre Des collets aux animaux : On chasse au trébuchet, Au furet, au fauconneau, Mais il y en a qui ne se tirent Que quand, dans un bosquet, Ils se retirent. |
couplet Q |
Una serventa, E la conouissi ieu, Una serventa Casset un merlo vieu ; Despì che lou piet, Despì che l’emaillet, Li arrive che plante Voù, dau sera au matin, Che tougiou cante. | | Une servante, Et je la connais, moi, Une servante Chassa un merle vivant ; Depuis qu’elle le prit, Depuis qu’elle l’empailla, Il lui arrive qu’elle s’arrête, Elle veut, du soir au matin, Que toujours il chante. |
couplet R |
O che riada ! Gianin va visità, O che riada ! Una leca ch’avia fa : Aussa plan lou malon, Crès pià un passeron, La man resta enviscada, La sente e di : « N’hai pron, N’hai fa giornada. » | | Oh, quelle rigolade ! Jeannot va visiter, Oh, quelle rigolade ! Un piège qu’il avait fait : Il soulève lentement la briquette, Croit attraper un passereau, La main reste engluée, Il la sent et dit : « J’en ai assez, J’ai fait ma journée. » |
couplet S |
Laissen la cassa, Lu autis gros e picion, Laissen la cassa, Li tana e lu bouisson ; Ientren en lu giardin, Veiren lou daissemin, Flou, frui de touta rassa D’audou, de gust fin Migliou ch’en plassa. | | Laissons la chasse, L’outillage gros et petit, Laissons la chasse, Les terriers et les buissons ; Entrons dans les jardins, Nous verrons le jasmin, Les fleurs, fruits de toutes sortes D’odeurs, de goûts fins Meilleurs que sur la place [du marché]. |
couplet T |
Veiren de cardo, Faioù e cougourdon, Veiren de cardo, D’espargo e de pebron ; Caüles, raba, naveu, De toumati a batèu, Seba, ensien sauvage, Cougombre e gnif beu, Salada a rage. | | Nous verrons des cardons, Des haricots et des cougourdons, Nous verrons des cardons, Des asperges et des poivrons ; Choux, raves, navets, Des tomates à foison, Oignons, (...) sauvages, Concombres et belles carottes, Salades à l’abandon. |
couplet U : cf. supra n° 8. |
couplet V |
Parlen doù puorre Che si cuei sensa fuec, Parlen doù puorre Devinas en che luec : Doù rifuò che sen fa, Coma l’accomodà ? Lou sabi da ma suore Di ch’en lou pissalà Conven che muore. | | Parlons du porc Qui se cuit sans feu, Parlons du porc Devinez en quel lieu : Du radis qui s’en fait, Comment l’accommoder ? Je le sais de ma sœur. Elle dit que dans le pissalat Il convient qu’il meure. |
couplet W |
Can lou Nor souffla Rampounciou e spinas, Can lou Nor souffla Si foù soufflà lou nas. De radicia souven, De blea pou e ren, S’adona a la tantifla Acheu ch’es sensa argen Per mettre gnifla. | | Quand le [vent du] nord souffle Saisissant et piquant, Quand le [vent du] nord souffle Il faut se souffler le nez (14). De salsifis souvent, De blette peu et rien, Il s’adonne à la pomme de terre Celui qui est sans argent Pour mettre [dans] la joue enflée. |
couplet X |
Belli Baumetta, Sies un picion Paris ; Belli Baumetta Sies un beù paradis. Angles, Russo, Alleman Da vou trovoun buon pan, Buon vin en li bouteta, Un clima dous e san, Un suol ch’alleta. | | Belles Baumettes, Vous êtes un petit Paris ; Belles Baumettes Vous êtes un beau paradis. Les Anglais, les Russes, les Allemands Par vous trouvent du bon pain, Du bon vin dans les bouteilles, Un climat doux et sain, Un sol qui enjôle (15). |
couplet Y |
O Pier d’Arena, Lu vuostre enfan, si sau, O Pier d’Arena, Non soffron degun mau ; Mantenelu gagliar, Fes abondà la mar, E vou rendes, Elena, Lu vuostre urous doù par E sensa pena. | | Ô Pierre d’Arène, Vos enfants, on sait, Ô Pierre d’Arène, Ne souffrent [d’]aucun mal ; Maintenez-les alertes, Faites abonder la mer, Et vous, Hélène (16), rendez Les vôtres heureux Et sans peine. |
1. Ce quartier situé à l’ouest de Nice, entre Saint-Pierre-d’Arène et Sainte-Hélène, tire son nom de bauma (diminutif baumeta), grotte, caverne. 2. Flora (Flore) : déesse italique des Fleurs et des Jardins, en l’honneur de laquelle étaient célébrées les floralies ; ici, le printemps. 3. Ici, les moustiques, ou mouissaràssa (tipules). 4. Pità : becqueter, gober, happer, mordre à l’hameçon, prendre... 5. Du provençal bourdigo, « enceinte de claies, sur le bord de la mer, pour prendre ou garder du poisson » (Larousse). Ici, au sens figuré de bedaine, bedon. 6. Cantarèu ou tapé : petit escargot blanc, fréquent dans les oliveraies. 7. Bonda : le bord surplombant la faissa (la terrasse, la planche) inférieure d’un terrain. 8. Abicò, belouna, doùcueira, verdala : variétés de figues. La « bellone » est une grosse figue noire réputée, au dessus aplati et braietada, c’est-à-dire parcourue par des fentes superficielles qui rappellent celles des bràia (braies, ou pantalons). 9. Pomona (Pomone) : déesse grecque des Fleurs et des Jardins. 10. Bernissoù : une autre variété de figues. 11. Arret ou aret : sorte de filet d’oiseleur (du latin rete, filet). Cf. l’expression « prendre dans ses rets ». 12. Aubre : il s’agit ici d’un arbuste (naturel ou factice) dont les branches sont garnies de gluaux. Cette chasse s’appelait la « pipée », elle consistait à attirer les oiseaux – à l’aide d’un pipeau ou d’appeaux – sur l’arbuste pour qu’ils s’y prennent. Anà à l’aubret signifiait aller à la pipée. Dans son Dictionnaire français-niçois, Georges Castellana précise : « On connaît la chasse au jargoun (appeau en os ou en tôle, en forme de disque creux percé d’un trou) pour les grives à la fin de l’hiver ; la chasse au chìque (simple feuille de canne que le chasseur fait vibrer entre les lèvres) également pour attirer les grives ; la chasse au cant (le chasseur imite avec sa voix le chant des perdrix, ou bien le cri du rat pour attirer les merles). » 13. Esperença : brai (ou reginglette), résidu pâteux de la distillation de la houille ou du pétrole, utilisé – comme la glu ou la poix – sur des viscada (gluaux, petites branches frottées de glu) pour attraper les oiseaux. (Cette pratique – encore en usage au XIXe siècle – a, depuis, été interdite.) 14. Si foù soufflà lou nas : il faut se souffler le nez, c’est-à-dire se moucher. 15. Alletà ou aletà : affriander, aguicher, allécher, enjôler... (du latin alleciare). 16. Pier d’Arena, Elena : Pierre-d’Arène et Hélène, allusion aux saints éponymes des deux quartiers voisins des Baumettes.
Bibliographie | • | Delrieu (Georges), Anthologie de la chanson niçoise, Nice, éd. Delrieu et Cie, 1960, p. 80-81. | • | Tosan (Albert), Princivalle (Gaël) et d’Hulster (Frédéric), Anthologie de la chanson du comté de Nice, Nice, Serre éditeur, collection « Encyclopædia niciensis – Patrimoine régional », vol. III, 2001, p. 36-37. | • | Toselli (Jean-Baptiste), Rapport d’une conversation sur le dialecte niçois, Nice, Ch. Cauvin, 1864, p. 120-122. | • | revue Nice historique, Nice, n° 9, 1907, p. 141. |
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