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La Marcho di rèi (La Marche des rois) Paroles attribuées à Joseph-François Domergue (1691-1729). Traditionnel Provence. Sur l’air La marche du régiment de Turenne.
Chant de Noël célébrant l’Épiphanie et les Rois mages. Le thème en a été popularisé par Georges Bizet dans son Arlésienne. Parfois attribuées de façon erronée à Nicolas Saboly, les paroles ont été écrites par Joseph-François Domergue, curé-doyen de 1724 à 1728 à Aramon dans le Gard. Son nom apparaît sur la copie manuscrite datée de 1742, conservée à la bibliothèque d’Avignon. Le texte est publié pour la première fois dans le Recueil de cantiques spirituels provençaux et françois publié en 1749. L’origine précise de l’air est inconnue ; une origine médiévale est parfois évoquée, d’après une tradition avignonnaise qui la fait remonter au roi René. Mais la copie de 1742 mentionne l’air d’une « marche de Turenne », marche militaire en l’honneur des victoires du maréchal de Turenne, que certains auteurs ont voulu attribuer à Lully, bien qu’aucun document ne puisse corroborer cette hypothèse. Cette mention respecte l’usage établi des noëlistes consistant à plaquer leurs textes sur des timbres répandus.
1er couplet |
De matin, Ai rescountra lou trin De tres grand rèi qu’anavon en vouiage ; De matin, Ai rescountra lou trin De tres grand rèi dessus lou grand camin. Ai vist d’abord De gardo-corp, De gènt arma em’uno troupo de page ; Ai vist d’abord De gardo-cors, Touti daura dessus si justo-corp. | | De [bon] matin, J’ai rencontré le train De trois grands rois [mages] qui allaient en voyage ; De [bon] matin, J’ai rencontré le train De trois grands rois [mages] dessus le grand chemin. J’ai vu d’abord Des gardes du corps, Des gens armés avec une troupe de pages ; J’ai vu d’abord Des gardes du corps, Tout dorés dessus les justaucorps (1). |
2e couplet |
Li drapèu, Qu’èron segur fort bèu, I ventoulé servien de badinage ; Li camèu, Qu’èron segur fort bèu, Pourtavon de bijou touti nouvèu. E li tambour, Pèr faire ounour, De tèms en tèms fasien brusi soun tapage ; E li tambour, Pèr faire ounour, Batien la marcho chascun à soun tour. | | Les drapeaux, Qui étaient sûrement fort beaux, Leur éventoir servait de badinage (2) ; Les chameaux, Qui étaient certainement très beaux, Portaient des bijoux tout nouveaux. Et les tambours, Pour faire honneur, De temps en temps faisaient bruire leur tapage ; Et les tambours, Pour faire honneur, Battaient la marche chacun à son tour. |
3e couplet |
Dins un char Daura de touto part, Vesias li rèi moudèste coume d’ange ; Dins un char Daura de touto part, Vesias bria de riche-z-estendard ; Ausias d’auboues, De bèlli voues Que de moun Dièu publiavon li louange ; Ausias d’auboues, De bèlli voues Que disien d’er d’un amirable choues. | | Dans un char Doré de toutes parts, On voyait les rois [mages] modestes comme des anges ; Dans un char Doré de toutes parts, On voyait briller des riches étendards. On entendait des hautbois, De belles voix Qui, de mon Dieu, publiaient les louanges ; On entendait des hautbois, De belles voix Qui disaient des airs d’un admirable choix. |
4e couplet |
Esbahi D’entèndre acò d’aqui, Me siéu renja pèr vèire l’equipage ; Esbahi D’entèndre acò d’aqui, De luèn en luèn li-z-ai toujou suivi ; L’astre brian Qu’èro davan Servié de guido e menavo li tres mage ; L’astre brian Qu’èro davan S’arrestè net quand fuguè vers l’enfant. | | Ébahi D’entendre cela d’ici, Je me suis rangé pour voir l’équipage ; Ébahi D’entendre cela d’ici, De loin en loin je les ai toujours suivis. L’astre brillant Qui était devant Servait de guide et menait les trois mages ; L’astre brillant Qui était devant S’arrêta net quand il fut vers l’enfant. |
5e couplet |
Intron pièi Per adoura soun rèi, A dous ginoun coumençon sa priero ; Intron pièi Per adoura soun rèi E recounèisse sa divino lèi. Gaspard d’abord Presènto l’or E di : « Moun Diéu, sias lou soulé rèi de glòri. » Gaspard d’abord Presènto l’or E dis pertout que vèn cassa la mort. | | Ils entrent pieusement Pour adorer leur roi, À deux genoux ils commencent leur prière ; Ils entrent pieusement Pour adorer leur roi Et reconnaître sa divine loi. Gaspard d’abord Présente l’or Et dit : « Mon Dieu, vous êtes le seul roi de gloire. » Gaspard d’abord Présente l’or Et dit partout qu’Il vient chasser la mort. |
6e couplet |
Per presèn Melchior oùfro l’encèn En ié disen : « Sias lou Diéu di-z-armado. » Per presèn Melchior oùfro l’encèn, Disen : « Sias rèi e sias Diéu tout ensen. » La paureta, L’umulita, De voste amour nin soun li provo assurado ; La paureta, L’umulita N’empachon pas vosto Divinita. | | Pour présent Melchior offre l’encens En lui disant : « Vous êtes le Dieu des armées. » Pour présent Melchior offre l’encens, Disant : « Vous êtes roi et vous êtes Dieu tout ensemble. » La pauvreté, L’humilité, De votre amour en sont la preuve assurée ; La pauvreté, L’humilité N’empêchent pas votre divinité. |
7e couplet |
Quant à iéu, N’en plour, moun bon Diéu ! En sangloutant vous presènte la mirrho ; Quant à iéu, N’en plour, moun bon Diéu ! De ié sounja, siéu pu mort que viéu ; Un jour, per nous, Sus uno croux, Coumé mourtau, fenirés nosti misèro ; Un jour, per nous, Sus uno crous, Devès mouri per lou salut de tous. | | Quant à moi (3), J’en pleure, mon bon Dieu ! En sanglotant, je vous présente la myrrhe ; Quant à moi, J’en pleure, mon bon Dieu ! D’y songer, je suis plus mort que vif ; Un jour, pour nous, Sur une croix, Comme mortel, vous finirez notre misère ; Un jour, pour nous, Sur une croix, Vous devez mourir pour le salut de tous. |
8e couplet |
Aujourd’huèi Es adoura di rèi E bateja di man de Jan-Batisto ; Aujourd’huèi Es adoura di rèi, Tout l’univer se soumés a sa lèi. Dins un festin Rènd l’aigo en vin : Aquèu miracle es segur bèn de requisto ; Dins un festin Rènd l’aigo en vin : Nous manifèsto soun poudé divin. | | Aujourd’hui Il est adoré par les rois [mages] Et baptisé des mains de Jean-Baptiste ; Aujourd’hui Il est adoré par les rois [mages], Tout l’univers se soumet à sa loi. Dans un festin Il change l’eau en vin : Ce miracle est sûrement bien nécessaire ; Dans un festin Il change l’eau en vin : Il nous manifeste son pouvoir divin. |
1. Pourpoint serré à la taille, à basques (c’est-à-dire les deux pans ouverts de la jaquette) et à manches, en usage au XVIIe siècle. 2. C’est-à-dire que leur ondulation donnait au cortège une gaîté légère, un caractère enjoué. 3. Après Gaspard puis Melchior dans les couplets précédents, c’est donc Balthazar (le troisième des rois mages) qui parle dans ce couplet.
Bibliographie | • | Recueil de noëls provençaux, composés par le Sieur Nicolas Saboly, Avignon, Jean Chaillot imprimeur-libraire, 1807, p. 112-115. |
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