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Lou Festin dai rangou (Le Festin des boiteux) Paroles niçoises et musique Louis Genari. Traditionnel comté de Nice.
Le festin dai ràngou avait lieu à Saint-Pierre-d’Arène, le cinquième dimanche de Carême. Ce festin tire son nom du fait que les boiteux pouvaient s’y rendre facilement, le quartier étant peu éloigné du centre de Nice.
La mythologie associe la boiterie ou la démarche asymérique à l’accès à « l’autre monde ». Rien d’étonnant donc à ce que les boiteux de la chanson plaisent aux filles, grâce à un supposé sortilège.
 Dessin de Gustav Adolf Mossa paru dans Anthologie de la chanson niçoise, éd. Delrieu, pour illustrer Lou Festin dai rangou.
| 1er couplet |
A Nissa li a un pichoun festin E li gent noun li mancon Per que, couma es aqui vesin, Li van meme lu rangou, En rangueant, Dalin, dalan, E cadun lu pòu vèire, Sigue à riba de mar o sus lou gran camin, En rangueant, Dalin, dalan. S’en van fin à San-Pèire E tant lèu au festin Tant lèu soun en train. | | À Nice il y a un petit festin Et les gens n’y manquent pas Parce que, comme il est ici voisin, Y vont même les boiteux, En boitant, Clopin-clopant, Et chacun peut les voir, Soit au bord de mer ou sur le grand chemin, En boitant, Clopin-clopant, Ils s’en vont jusqu’à Saint-Pierre Et sitôt au festin Aussitôt ils sont en train. |
2e couplet |
Que gran plesì, ren qu’en intrant, De vè’ li doumaiselli E, couma n’es qu’un còu per an, Si trìon li pu belli, En rangueant, Dalin, dalan, Si charra e si caligna. Per si fa’ ben voulé, d’amour cau ben parlà, En rangueant, Dalin, dalan. La lenga sensa tigna A lèu fach óublidà La camba que noun va. | | Quel grand plaisir, rien qu’en entrant, De voir les demoiselles Et, comme ce n’est qu’une fois par an, Se trient (1) les plus belles, En boitant, Clopin-clopant, On parle, on courtise. Pour se faire bien vouloir (2), d’amour il faut bien parler, En boitant, Clopin-clopant, La langue sans engelure (3) A vite fait oublier La jambe qui ne va pas. |
3e couplet |
Dau rèsta, se lou remarcas, Doun es la diferènça ? Pouodon balà, pisqu’au siéu pas Fan jà la reverènça ! En rangueant, Dalin, dalan, Sirigauda e sautusa, Tambèn polka, masurca acoublon lu galant, En rangueant, Dalin, dalan, Coustrech à la dansusa. Quoura es lou vals que fan, Parton toui en virant ! | | Du reste, si vous le remarquez, Où est la différence ? Ils peuvent danser, puisqu’à son (leur) pas Elles font déjà la révérence ! En boitant, Clopin-clopant, Grelottante et sauteuse, Et aussi polka, mazurka accouplent les galants, En boitant, Clopin-clopant, Serrés à la danseuse. Quand c’est la valse qu’ils font, Ils partent tous en tournant ! |
4e couplet |
Per plase e refrescà, dòu còu, Li gènti balarini, Van cercà tout cen que si pòu Dai vendairis vesini. En rangueant, Dalin, dalan, Pouorton de limounada, Chaudèu, nougat, fougassa e couliandri dous. En rangueant, Dalin, dalan, Offron la cougourdada, Ranfresc delicious Embé l’aiga dòu pous. | | Pour plaire [aux] et rafraîchir, du coup, Les gentilles ballerines, Ils vont chercher tout ce qui se peut Aux vendeuses voisines. En boitant, Clopin-clopant, Ils portent de la limonade, Des échaudés, du nougat, de la fougasse et des raisins doux (4). En boitant, Clopin-clopant, Ils offrent la courge, Rafraîchissement délicieux Avec l’eau du puits. |
5e couplet |
Pi, quoura toumba lou serèn, Per repiha d’abriva, Souta la laupia de Laurèn S’assèton, gai counviva. En rangueant, Dalin, dalan, (Es l’oste que choupea) Li pouorton pan bagnat, lapin sautat, melet, En rangueant, Dalin, dalan, Fin la tourta de blea. M’un tòmou de Bellet, Tout esquiha soulet ! | | Puis, quand tombe le soir, Pour reprendre de l’élan, Sous la tonnelle de Laurent Ils s’assoient, gais convives. En boitant, Clopin-clopant, (C’est l’hôte qui clopine) On leur porte « pain mouillé », lapin sauté, omelette, En boitant, Clopin-clopant, Jusque la tourte de blette. Avec une bouteille (5) de Bellet (6), Tout glisse [tout] seul ! |
6e couplet |
E quoura enfin cau si quità, Au refrèn de Li Verna, Pèndon, per poudé si guidà, Au bastoun la lantèrna. En rangueant, Dalin, dalan, Sensa que mai s’abuton, Toui s’en tournon countent, de chaudèu sus lou pièch, En rangueant, Dalin, dalan, Soulet o ben... ma chùtou !... Que quoura es mièja nuech Noun li a de rangou au liech. | | Et quand enfin il faut se quitter, Au refrain [de l’air] du « Festin des aulnes », Ils pendent, pour pouvoir se guider, Au bâton la lanterne. En boitant, Clopin-clopant, Sans que jamais ils ne se poussent, Tous s’en retournent contents, des échaudés sur la poitrine (7), En boitant, Clopin-clopant, Seuls ou bien... mais chut !... Que quand il est minuit Il n’y a pas de boiteux au lit. |
1. Soit on trie, c’est-à-dire « les gens choisissent les plus belles », soit ils se trient, c’est-à-dire « les boiteux se choisissent les plus belles ». 2. Désirer, aimer. 3. Sans gêne, déliée, par opposition à la jambe boiteuse. 4. Couliandri, coriandre, désigne aussi une variété de raisin aux grains allongés. 5. Voir également La Mieu Bella Nissa. 6. Voir également San-Rouman-de-Belet. 7. C’est-à-dire des taches sur leur chemise, à moins qu’il ne s’agisse de la nourriture qui charge leur estomac...
Bibliographie | • | Delrieu (Georges), Anthologie de la chanson niçoise, Nice, éd. Delrieu et Cie, 1960, p. 84-86. | • | Tosan (Albert), Princivalle (Gaël) et d’Hulster (Frédéric), Anthologie de la chanson du comté de Nice, Nice, Serre éditeur, collection « Encyclopædia niciensis – Patrimoine régional », vol. III, 2001, p. 118-119. |
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