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La Miéu Bella Nissa (Ma belle Nice) ou Canson dòu sourdà niçart en Lombardìa en 1848 (Chanson du soldat niçois en Lombardie en 1848) Paroles niçoises Eugène Emanuel (1848), musique d’après l’opéra féerie Le Cheval de bronze, n° 9 : air « Quand on est fille, hélas ! », par Daniel François Esprit Auber. Traditionnel comté de Nice.
Les paroles françaises d’origine, versifiées par René d’Helbingue, ne sont pas reproduites ici. Le texte en français correspond à la traduction mot à mot de la version niçoise.
Ce texte évoque les souffrances et la nostalgie d’un paysan niçois, engagé dans les armées de Charles-Albert contre l’Autriche, parti gagner ses galons sur les champs de bataille lombards pendant le Risorgimento piémontais et les guerres pour l’unité italienne. Composée au milieu du XIXe siècle, cette chanson sera considérée par les Niçois comme leur hymne, avant d’être supplantée au début du XXe siècle par Nissa la bella de François-Dominique Rondelly, dit Menica Rondelly.

Aquarelle de Gustav Adolf Mossa parue dans Chansons niçoises harmonisées par Charles Pons, éd. Delrieu frères, pour illustrer La Miéu Bella Nissa. | | 1er couplet |
O tu, la miéu bella Nissa Coura voli emb’au pensié, Dapé de li tiéu taulissa Tra li rega d’oulivié, Lou couor palpita de plési E mille dous souveni Mi rappellon lu bei an Qu’èri enfan ; Coura courii per lu prat E sautavi lu valat Coum’un pichoun devagat. L’aubre flourit, un parpaioun, O lou chièu-chièu d’un passeroun Mi rendion tant countènt : Eri gai, san e riènt. | | Ô toi, ma belle Nice Quand je vole par la pensée, Près de tes toits [que l’on aperçoit] Entre les rangées d’oliviers, Le cœur palpite de plaisir Et mille doux souvenirs Me rappellent les belles années Quand j’étais enfant ; Quand je courais par les prés Et sautais les ruisseaux (fossés) Comme un petit dissipé. L’arbre fleuri, un papillon, Ou le cui-cui d’un passereau Me rendaient tellement content : J’étais gai, sain et riant. |
Refrain |
O bei tem, o bella Nissa A tu voli emb’au pensié, Saludi li tiéu taulissa, Lu tiéu bei pourtegalié. | | Ô beaux temps, ô belle Nice À toi je vole par la pensée, Je salue tes toits, Tes beaux orangers. |
2e couplet |
E saludi li coulina Qu’an un sourire eternel. Senti la brisa marina, Vèu l’azur dou tiéu bèu ciel. Pi, lou pensié courre à maioun : Vèu lavesou, fugairoun, La mastra, lou gros taulié De nouguié. Vèu la careta, lou magau, La pouièra, lou destrau ; Audi lou can que fà « bau » ! En un cantoun vèu lou miéu brès. Audi cantà, e noun sentès, Ma maire que di : « Pichoun, Enduerme-ti, doun, doun, doun... » | | Et je salue les collines Qui ont un sourire éternel. Je sens la brise marine, Je vois l’azur de ton beau ciel. Et puis la pensée court à la maison : Je vois [le] chaudron [à pied], [l’]âtre, La maie, la grande table De noyer. Je vois la charrette, le croc [à bêcher], La serpe, la hache ; J’entends le chien qui fait « ouah » ! Dans un coin je vois mon berceau. J’entends chanter, ne l’entendez-vous pas ?, Ma mère qui dit : « Petit, Endors-toi, do, do, do... » |
Refrain |
O bei luec, o bella Nissa A tu voli emb’au pensié, Saludi li tiéu taulissa, Lu tiéu bei pourtegalié. | | Ô beau lieu, ô belle Nice À toi je vole par la pensée, Je salue tes toits, Tes beaux orangers. |
3e couplet |
Libertà ! Au cri de guerra Qu’en Italia as fach levà, Ai suivit la tiéu bandièra, Lou paisan s’es fà sourdà. Tra la poussièra dai coumbàt Coum’un brave ai caminat Sensa cregne ni mousquet Ni boulet. Siéu dou pais dai Seguran ; Ai de pièch e cour’ai fam Mi manji cinq Aléman. Ma coura au soir, su lou miéu sac, Gusti lou repau dou bivac, Mi senti veni de luèn, Su la brisa, un dous refrèn | | Liberté ! Au cri de guerre Qu’en Italie (1) tu as fait se lever, J’ai suivi ton drapeau (ta bannière), Le paysan s’est fait soldat. Dans la poussière des combats Comme un brave j’ai cheminé Sans craindre ni mousquet Ni boulet. Je suis du pays des Séguran ; J’ai de la poitrine et quand j’ai faim Je mange cinq Allemands (2). Mais quand le soir, sur mon sac, Je goûte le repos du bivouac, Je sens venir de loin, Sur la brise, un doux refrain |
Refrain |
Que di : « La miéu bella Nissa Coura voli etc. » | | Qui dit : « Ma belle Nice Quand je vole etc. » |
4e couplet |
Mi counsouola, mi recrèa L’espoir que retournerai Manjà la tourta de blea, Li faveta au mès de mai, Su l’erba embé de saucissoun, Una trancha de jamboun, Un bouon tomou de braquet De Bellet ! Que reveirai lu berninsòu, Li bouscarla, lu faiou, Li belouna trent’au sou ! Qu’en janvié veirai mile flou Sourti dapé dai cauléflou... Coura, en là, tout es gelat, Passit, rimat e pelat... | | Il me console, il me réjouit, L’espoir que je retournerai Manger la tourte de blette, Les févettes au mois de mai, Sur l’herbe, avec du saucisson, Une tranche de jambon, Une bonne bouteille (3) de braquet (4) De Bellet (5) ! Que je reverrai les « bernisses (6) », Les fauvettes, les haricots, Les bellones (6) « trente au sou » ! Qu’en janvier je verrai mille fleurs Sortir près des choux-fleurs... Quand ailleurs tout est gelé, Fané, brûlé et pelé... |
Refrain |
O bèu ciel, o bella Nissa Coura voli etc. | | Ô beau ciel, ô belle Nice Quand je vole etc. |
5e couplet |
Soubre lu champ de bataia Vouoli gagnà lu galoun, Reveni embé la medaia Emb’au brout sus lou poumpoun ; Dire à la terra doun sièu nat : Per tu, lou sanc ai versat. Ma l’Italia pou cridà : « Libertà ! » Pi su la pouorta de maioun Souonà frema, pà, pichoun : « Sièu vengut, sièu ièu, Titoun ! » Mi sembla jà su lou miéu couor De lu serrà, o dous espoir ! Que pousquessi, en lu viei an, Cantà encara ai miéu enfan : | | Sur les champs de bataille Je veux gagner les galons, Revenir avec la médaille Avec la guirlande sur le pompon ; Dire à la terre où je suis né : Pour toi, le sang j’ai versé. Mais l’Italie peut crier (7) : « Liberté ! » Puis sur la porte de la maison Appeler femme, père, petit : « Je suis venu, c’est moi, Baptiste ! » Il me semble déjà sur mon cœur Les serrer, ô doux espoir ! Que je puisse, en mes vieux ans, Chanter encore à mes enfants : |
Refrain |
« O bei tem, o bella Nissa Coura voli etc. » | | « Ô beaux temps, ô belle Nice Quand je vole etc. » |
1. En 1848, le comté de Nice était retourné au royaume de Piémont-Sardaigne, initiateur de la réunification de la future Italie. 2. En réalité, il s’agit de soldats autrichiens. 3. Un tòmou = trois litres ! 4. Cépage régional. 5. Voir également San-Rouman-de-Belet. 6. Berninsòu ou bernissóu (« bernisse ») et belouna (« bellone », figue noire et grosse, aplatie sur le dessus) sont les noms locaux de variétés de figues. 7. La version publiée par Nice historique donne : Ma la patria poù cridà (Mais la patrie peut crier). En effet, en 1848, le comté de Nice appartient de nouveau au royaume de Piémont Sardaigne, le soldat n’a donc pas besoin de préciser le nom de sa patrie.
Bibliographie | • | Delrieu (Georges), Anthologie de la chanson niçoise, Nice, éd. Delrieu et Cie, 1960, p. 15-17. | • | Tosan (Albert), Princivalle (Gaël) et d’Hulster (Frédéric), Anthologie de la chanson du comté de Nice, Nice, Serre éditeur, collection « Encyclopædia niciensis – Patrimoine régional », vol. III, 2001, p. 174-175. | • | Toselli Jean-Baptiste, Rapport d’une conversation sur le dialecte niçois, Nice, Ch. Cauvin, 1864, p. 149-150. | • | revue Armanac niçart, Nice, 1903, p. 15-16. | • | revue Nice historique, Nice, n° 9, 1907, p. 143-144. | • | revue Lou Sourgentin, Nice, n° 165, janvier 2005, p. 21. |
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